Hier, j'ai été retenue de force, couteau virtuel sous la gorge, pour participer au projet d'établissement du collège. L'absurdité tient dans le fait que j'y suis remplaçante, et qu'après, je n'y remettrai plus les pieds, dans ce collège.
Mais les TZR ont subi une forme de chantage à ce sujet, bien dégoulinante de démagogie : pour resouder les équipes pédagogiques blabla, faire le bilan depuis la rentrée, etc. Le hic : nous ne sommes pas là depuis septembre, nous, les TZR. Et pas intégrés aux fameuses équipes.
Avec l'adjointe, on s'est un peu accroché le nez en salle des profs, ce à quoi elle ne s'attendait pas de ma part, apparemment.
Extrait :
_ Excusez-moi, mais je ne vois pas vraiment l'intérêt pour nous de venir à cette réunion, étant donné que nous sommes remplaçants. La logique m'échappe.
Laïus sur les équipes.
_ Il n'empêche que je termine normalement à 13h, et que je dois être à 17h30 à L. pour donner un cours.
_ Mais nous avons tous des obligations Mme X ! Que croyez-vous ?
_ Comme je fais mille kilomètres par mois, je dois donner des cours pour payer mon essence, Madame. Voilà ce que je crois.
Blizzard en salle des profs.
J'ai donc dû rester pour cause de menace latente. Comme j'étais censée revenir chez moi pour déjeuner, j'ai dû reprendre la voiture, et errer dans le bled pour trouver une boulangerie. Je me gare, j'entre et je commence à commander. Soudain :
_ Oooohhh, 'jour m'dame !, crient en coeur des élèves de mon premier remplacement, alors qu'ils ne me saluent pas dans l'enceinte du collège.
_ Ils vous ont bien reconnue, dites donc !, me dit gentiment le boulanger.
_ Certes...
_ Enseignante ?
Mouvement de tête pour acquiescer.
_ C'est pas trop dur ?
_ Joker !, dis-je en souriant. Il fait de même.
Puis j'ajoute :
_ Disons que c'est comme tous les métiers, il y a des avantages et des inconvénients.
Et là, derrière moi, deux gus qui machonnaient leur sandwich commentent juste assez fort pour que j'entende :
_ Ouais, ben y'a plus d'avantages que d'inconvénients dans ce boulot !
La moutarde était déjà bien montée avec le coup de la réunion, j'étais chaude pour la défense. Avec un très subtil sourire, et sur un ton fort calme, je leur répondis :
_ Ah, je suppose que je vais avoir droit aux vacances, une fois de plus ?
_ Ben ouais !
_ Vous savez, messieurs, (pause, regard droit dans les yeux) on recrute. (Je vois leurs visages changer) Le concours est ouvert. Je vous conseille de le passer, pour profiter de tous les avantages du métier. (Sourire, auquel il ne s'attendaient pas)
_ On a trouvé not' voie, ça va.
Tiens donc, un revers. Ils devaient s'imaginer que la pauvre nenette toute seule ne moufterait pas, ou que je m'énerverais, ce qui serait plus drôle. Je paye mon sandwich, m'apprête à partir. En me retournant, je glisse :
_ Ah, au fait, ne faites pas ce métier pour l'argent. Au revoir, messieurs.
_ C'est très mal payé, c'est bien vrai, renchérit le boulanger qui est vraisemblablement de mon côté.
Inutile de dire que j'ai attendu deux heures pour une réunion pathétiquement vide, creuse et sans intérêt.
Je suis rentrée à 20h chez moi, après mon cours particulier.
Mais les profs ne foutent rien, on le sait bien.