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Prof et plus si affinités
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Prof et plus si affinités
26 mai 2014

Frightening

Avant de reprendre la correction marathon de mes copies de TL, j'ai besoin d'expulser mes idées noires ici.
Une fois de plus, un fois de trop, le FHaine prend la tête lors d'élections légales et démocratiques. Le vote pour ce parti ne semble plus se limiter depuis belle lurette aux racistes de tout bord, mais s'étendre comme un feu de paille. Sur mon portable, hier soir, les news arrivaient les unes après les autres, effrayantes. Et les chiffres, indiscutables.

Statistiquement, certains de mes collègues ont pu voter pour ce parti. Mais lesquels ? Dois-je me rendre encore plus invisible parce que je suis gay ? Et si je me mariais avant la prochaine présidentielle, devrais-je avoir peur de l'avenir ? J'ai songé que si nous avions une présidente d'un parti extrême, cela entrainerait une chose : qu'en tant que fonctionnaire représentant l'Etat, je la représenterais... La fierté que je peux ressentir parfois virerait en honte et en colère. Et si j'étais mariée, je serais automatiquement "fichée", je n'en doute pas.

J'ai peur pour tous ceux qui ne rentrent pas dans les clous, tous ceux qui ne sont pas immaculés de peau, tous ceux qui ne veulent pas régresser, tant sur le plan économique que social.

Je n'ai guère de haute pensée politique depuis hier soir. Juste une ombre immense, que je sens s'avancer dans la lumière, sans que personne depuis des années, dans les différents gouvernements successifs, ne semble réagir sainement et efficacement.

Le président actuel est totalement invisible; et moi, juste moi, j'aimerais lutter mais je me sens impuissante.

La révolte est salutaire, mais sera-t-elle suffisante ?

Einstein citation

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19 mai 2014

Ne vous déplaise...

J'avais beaucoup hésité, pour des raisons financières mais aussi et sourtout par peur d'être déçue.

Le première fois que je l'aie vue en concert, c'était à l'Olympia, en 1993. Elle m'avait bouleversée. Je l'écoutais depuis l'âge de quatorze ou quinze ans (oui, je n'avais que peu de goût pour les chanteurs de mon époque). Ensuite, je n'ai plus vraiment compté le nombre de fois où je l'ai vue, émerveillée, en me disant que si je pouvais être une autre, je serais elle, Juliette Gréco.

Progressivement, j'ai senti que l'âge l'atteignait, même si je m'y refusais. J'ai continué à acheter ses albums (en collaboration avec Jean-Claude Carrère, Marie Nimier, Abd Al Malik, Biolay...), et me suis convaincue qu'il fallait que je reste sur mes souvenirs déjà un peu anciens. Les années ont passé. De loin en loin, je souriais en l'entendant à la radio, en la voyant -rarement- à la télévision : son côté petite fille malicieuse, débordant de goût pour la vie, intact, m'a toujours émue.

Et puis, l'annonce de son dernier album m'a rendue méfiante : Juliette Gréco interprétant Brel n'avait rien d'exceptionnel. Et pourtant... Les nouveaux arrangements de Gérard Jouannest (immense monsieur !) et la maîtrise de Gréco sur le répertoire du grand Brel (elle reste à mes yeux sa plus grande interprète), ont su me convaincre à l'écoute de l'album.

greco brel

Mais ce n'est pas celui-ci qui est la source de mon article sur le blog.

Innocemment, je dis un jour à Cally que Gréco passe à l'Olympia pour deux soirs, mais que je crains d'être vraiment déçue, ou triste, ou les deux. En discutant ensemble, Cally trouve les mots pour me convaincre d'aller la voir, peut-être une dernière fois, osons le dire, puisque la dame a quatre-vingt-sept ans maintenant.

 

greco

C'était vendredi, après une semaine très chargée, que nous avons vu "la Gréco" chantant Brel et d'autres titres de son répertoire, sur la scène de l'Olympia. En nous installant dans la salle, je suis prise d'un doute : les trois-quarts des spectateurs ont au moins soixante-cinq ans, et le reste est definitly gay.

La première partie est à oublier : un jeune homme chante sur son synthé tel un adolescent dans sa chambre, en scandant des paroles insipides qu'il cherche à caser dans ses rythmes. Puis vingt minutes d'attente.

Jouannest ouvre le bal avec un accordéonniste (ce seront les seuls musiciens) et est acclamé à juste titre. Et Gréco entre, comme à son habitude, depuis le fond de la scène, entre deux spots lumineux verticaux, posés au sol. Je suis frappée par ses épaules qui tombent, comme chez les vieilles femmes, et très émue de "retrouver" la dame dans sa robe noire aux manches chauve-souris. Quelques secondes, et la voici devant le micro, dans un premier tonnerre d'applaudissements.
Et là, le miracle arrive : il n'y a plus de vieille femme, mais une chanteuse toute droite, habitée par les textes, maîtrisant son chant. Seul le détail d'un prompteur qui la rassure, à ses pieds, me dit que la mémoire pourrait être défaillante.

De bout en bout, je suis bouleversée de le revoir, de l'entendre, de partager avec elle les mots de Brel, Ferré, Gainsbourg... Le public sait quels sont les morceaux de bravoure et de génie : "Ces gens-là", "La chanson des vieux amants", "J'arrive", "La Javanaise"... Je souris, aussi, à son annonce : "Je ne devrais pas, mais je le ferai quand même !" avant d'entamer "Déshabillez-moi", et de trouver en cette femme encore tant de sensualité.

Après presque une heure trente de spectacle, elle repart, épanouie, pleine d'amour, au bras de son mari, portant dans ses bras des bouquets de roses offerts par les fans. Il n'y aura pas de rappel, et personne ne semble lui en vouloir.

Moi, je ravale mes larmes depuis plus d'une heure, je conserve cette émotion que si peu d'artistes me procurent, aussi longtemps que possible. Je me suis nourrie de tout; j'en ai fait mon miel.

Je regrette juste que cette dame qui a traversé plus de vingt ans de mon existence, n'ait jamais su ce qu'elle représentait pour moi, égoïstement.

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