Je suis vite fatiguée, en ce moment. Faut dire que les élèves sont particulièrement pénibles. La preuve : j'en ai envoyé plus d'une dizaine respirer le bon air de la cour ce matin, plutôt que de me casser les pieds pendant le cours.
L'adjointe ne sait toujours pas me discerner d'avec mon autre collègue TZR, pourtant partie depuis dix jours (la pauvre, elle fait son neuvième remplacement depuis le début de l'année, et doit rester jusqu'au 4 juillet...). Certes, nos noms se terminent par le même son, mais tout de même, je trouve qu'au bout de six mois de présence en tant que remplaçante, ça fait peu sérieux de la part de l'adjointe.
Du coup, ce matin, j'aurais dû assister les profs de sport à la journée d'insertion des CM2 avec les 6èmes. Mais je n'étais pas au courant, puisque l'administration avait mis l'info dans le casier de mon ancienne camarade TZR, à son nom...
Je n'ai fait "que" le pique-nique avec environ 150 gamins surexcités par trois heures d'activités physiques. Seuls deux collègues et moi-même étions debout pour pouvoir observer tous les schtroumpfs, et intervenir rapidement -au cas où. Les autres discutaient tranquillement en cercle, assis par terre, en ayant chopé quelques sacs-repas d'élèves. Ce qui me rend dingue, c'est que des élèves externes, qui auraient dû avoir leur propre nourriture, mais que leurs parents ont laissé sans rien (je ne leur jette pas la pierre : souvent, il s'agit d'une question de moyens financiers), ont failli rester sur le carreau à cause de mes chers collègues TPMG (tout pour ma gueule). Même Porcinet est venu, juste pour piquer deux sacs-repas ! Dois-je préciser que j'avais apporté ma propre nourriture pour ne pas manger aux frais de la princesse ?
Ce matin, je me suis accrochée avec l'adjointe, aussi, parce que j'ai dit que je ne viendrai pas samedi matin pour inscrire les CM2, futurs 6èmes de la rentrée prochaine. Elle m'a sorti la carte du chantage affectif/collectif ("c'est une grande tradition ici; tous les professeurs sont présents", et une vanne ("je regrette d'avoir fait un effort pour vous, Mme X, en changeant votre horaire de conseil la semaine dernière"), pour finalement capituler. Je sais que beaucoup de profs n'y vont jamais, surtout ceux qui, comme moi, habitent à au moins trente bornes.
Et mon statut de TZR arrange bien les établissements car on peut me "caser" partout. J'ai toutes les casquettes, tous les rôles. Histoire de dire, mon RAD (sigle barbare qui désigne mon établissement de rattachement administratif) m'a par deux fois laissé un message pour me demander si je n'étais toujours pas en poste. En effet, ils manquent de personnel pour surveiller le Bac. Ben oui, l'an dernier, j'ai surveillé 19 heures, c'est-à-dire essentiellement emmené les candidats aux toilettes. Bref. Qaund je les ai eus au téléphone, il y a eu un gros blanc après ma remarque assassine faussement naïve : "Je m'étonne de votre appel car je suis en poste depuis maintenant... hum.... six mois". Anémone (elle a la même voix !), la secrétaire, a dû cogiter environ dix secondes avant de me bafouiller : "Euh... j'ai dû confondre."
Alors quand un remplaçant dit "non", ça leur fait tout drôle.
Qaund je pense qu'il n'ont toujours pas réalisé que mon arrêté allait jusqu'au 20 juin, pas au-delà (je leur ai pourtant signalé deux fois)... J'en rigole déjà. Ce qui me fait plaisir, c'est que certains élèves -plus que je ne croyais- viennent me voir en me disant qu'il faut que je reste, que Mme Y ne peut pas revenir. Sur le ton de la confidence, j'ai même eu droit à : "Mme Y, elle sait pas expliquer ! Restez, s'il vous plaît !" C'était une élève de 3ème, qui cause normalement comme une poissonnière, et qui est très franche. Soupir de satisfaction, même si c'est Y et tous les TPMG qui récoltent les lauriers...