Une vocation ou rien
"On n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est." (Jean Jaurès)
Pourquoi ai-je choisi ce métier ? Qu'est-ce qui fait que je continue à enseigner ? Pourquoi éditer les perles de mes élèves ? Voilà les questions sous-tendues par le commentaire de Papistache. Je vais tâcher d'y répondre au mieux...
En
troisième, âgée 13-14 ans, j'ai décidé de devenir prof. Sans doute
parce que j'étais fascinée par certains enseignants, mais aussi parce
que la passion de la littérature me dépassait : je voulais la partager
avec des élèves plus tard. Mes études ont été orientées uniquement vers
ce but. J'ai aussi passé mon BAFA, avec beaucoup de plaisir (et
d'abnégation, il faut le reconnaître).
Arrivée au pied du mur, j'ai
pris peur. Et si je n'étais pas faite pour ça ? Et si j'étais mauvaise
? Et si je m'effondrais ? Et si je ne parvenais pas "à les tenir" ? Et
si, et si, et si...
Donc, après la Maîtrise et avoir passé l'Agreg
(+ le Capes, le tout en dilettante, sans y croire vraiment), j'ai
travaillé pour payer les factures. Lorsque j'en suis parvenue à
répondre au téléphone (au bout de six mois), j'ai démissionné. Je ne me
sentais bien nulle part, et j'avais l'impression d'avoir fui. Un mois
plus tard, je commençai mon premier remplacement dans un lycée pour
handicapés moteur, sans avoir au aucune formation pédagogique réelle.
Les
cinq premières minutes de cours ont été déterminantes. Mais j'ai
compris que je ne pouvais faire un autre métier que ccelui-ci. Je suis
devenue accro. Et quand on dénigre le terme de "vocation", je crois que
c'est un tort : je suis faite pour cela.
Il n'y a que dans une
salle de classe que je me sente à ma place sur le plan professionnel.
J'y ai juste assez d'indépendance, pas mal de liberté et beaucoup
d'autonomie. Chaque jour, chaque cours est différent. Peu de métiers
offrent cela.
Mais j'ai mes périodes de doute; mes jours où je ressors le sourire aux lèvres, et puis ceux où les larmes ont envie d'affluer. De grands moments de découragement. Je me raccroche à ces sombres chiffres qui disent que si l'on parvient à toucher / à faire progresser UN élève par classe, c'est déjà beaucoup et que cela justifie nos souffrances et nos efforts.
Alors, pour faire comprendre ce que nous vivons au quotidien, j'ai décidé un jour d'ouvrir un blog. L'enseignement y a pris de plus en plus de place. Sans doute parce que les conditions dans lesquelles nous exercons notre métier sont de plus en plus difficiles. Ou parce que mon métier a envahi ma vie. J'ai perdu un ami (celui qui m'a "incendiée" dernièrement par mail), entre autres parce que selon lui, il s'adressait toujours à la prof, jamais à l'amie...
Oui, je suis prof, à 100%. J'aime mon métier même et surtout si je le critique beaucoup. Je crois que les enseignants qui passent ici et ceux que je lis via leurs blogs sont des passionnés. Et qui dit passion, dit souffrir, aussi.
Les perles de mes élèves ne sont qu'une façon de :
- évacuer mon stress et mon désarroi
- faire partager ce que je nomme peut-être à tort de l'humour absurde (non intentionnel, j'en ai conscience)
- faire un état des lieux pour ceux qui n'ont pas le nez dans le guidon
Quand je note ces perles, je n'y mets jamais le nom des élèves. Je mentionne juste le niveau et le type de devoir. J'oublie très vite qui a écrit quoi. Je n'y vois aucune méchanceté. Pas de rancune ou de vengeance là-dedans. Alors que souvent, les élèves appuient là où ça fait mal...
Voilà l'état des lieux de mes 6 ou 7 ans de carrière. Tant que je garderai une forme quelconque d'enthousiasme, je continuerai à enseigner.