Quand j'ai fini ma journée de cours, je range consciencieusement et sans précipitation mes affaires; j'essuie le tableau; j'éteins les lumières, et je sors du bâtiment des matières générales d'un pas assez lent.
Je traverse la cour. Quelques élèves sont toujours là à jouer au basket. J'ai généralement dans les bras des livres, des photocopies. Mon trousseau de clefs pend à ma main droite. On y devine un ruban de couleur claire, idée de porte-clefs prise à C., il y a des années. Elle, elle avait un ruban de velours pourpre. Je trouvais ça beau et simple.
Je reviens en salle des profs pour déposer mes affaires. Un dernier coup d'oeil à l'ensemble, et je repars. Généralement, je me lave les mains dans les toilettes des profs car j'ai toujours la sensation d'être poisseuse avec les marqueurs et autres craies. Je prends enfin mon temps. Je me lave aussi des turpitudes du métier, je crois.
Je tourne à droite en sortant. Quelques marches hautes de deux centimètres au maximum me permettent de rejoindre le chemin principal. Le long de ce modeste escalier, il y a des rosiers. Je prends le temps de sentir à chaque fois les roses blanches, au parfum légèrement vanillé et doux.
J'emprunte ensuite le sentier qui amène au parking des enseignants. Et là, c'est le moment que je préfère : juste avant les arbres en fleurs, il y a toujours une odeur de terre mouillée, subtile et fraîche. Un léger parfum de printemps. Quand il pleut, c'est encore plus soutenu. J'inspire profondément. Je peux me recentrer sur moi-même, lâcher la pression, laisser tomber le costume de prof, et revenir en moi-même. Mon pas se ralentit encore plus car je cherche à retrouver encore cette sensation délicieuse, cette fragrance subtile et naturelle. Mais non. Elle est trop souvent unique.
En remontant encore un peu sous les arbres, je me sens protégée. Ce qu'il y a de merveilleux, alors, c'est la caresse du vent dans les feuilles. Si le vent s'invite, je peux l'entendre parler aux arbres de la cour, et à ceux du sentier.
Pour moi, c'est l'un des plus sons au monde.
Maintenant, je peux rentrer à la maison.