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Prof et plus si affinités
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Prof et plus si affinités
ecriture
20 juillet 2009

Erotisme (2)

Voici ma troisième participation à la consigne 69 des défis du samedi ! Après une photographie et un poème, je me suis attelée à un texte en prose... Son titre : "Coup de soleil".


cerisier_Japon

Nous étions allongées dans l’herbe, protégées du sol par un mince plaid. Nous discutions de choses et d’autres, à l’abri de l’ombre majestueuse du cerisier de son jardin. Parfois, le soleil s’immisçait entre les feuilles, et je devais fermer les yeux pour éviter ses rayons.

Je portais une robe légère, fleurie, aux pans assez longs. J’avais retiré mes sandales, et mes pieds frôlaient l’herbe fraîche. Au détour d’un silence, je fermai les yeux, en souriant. J’étais bien.

Dans une demi-somnolence, je sentis qu’elle bougeait. Je crus entendre sa respiration près de mon oreille, et je frissonnai, en cet après-midi estival. Je pensai m’endormir.

Je crus que le vent se levait et faisait bruire les feuilles. Un souffle passa sur mon décolleté. Mes cheveux recouvrirent mon visage, pendant que mes seins pointaient, à cause de la brise fraîche et légère.

J’avais chaud, pourtant. De petites bêtes grimpèrent dans mon cou, puis le long de mes jambes. Je ne cherchai pas à les pousser ni à les faire disparaître, trop abandonnée au sommeil, nonchalante.

Le vent souleva soudain ma robe et laissa mes jambes à l’air libre, enfin. Je voulus les resserrer pour garder une certaine dignité, mais, malgré mon état, je me dis qu’elle dormait elle aussi, et que personne n’entrerait dans son immense jardin isolé. Je restai donc ainsi.

Les bêtes continuaient de grimper et de descendre le long de mes mollets, de mes cuisses, de mes hanches, parfois. C’était des allées et venues incessantes et discrètes, des frôlements d’insectes, doux comme des caresses.

Je plongeai dans ses sensations délicieuses et m’abandonnai. Les mille pattes vinrent jouer le long des dentelles de mes dessous, de façon insidieuse. Je crois que je gémis légèrement. Les pattes restèrent longtemps là, à chercher leur chemin, leur route perdue vers on ne sait quel trésor, vers on ne sait quelle nourriture.

Puis tout s’activa.

Je rêvai, je crois.

Au moment où je me réveillai en criant, je me relevai, cambrée, les mains au sol, les yeux fermés : le soleil était en moi.

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18 juillet 2009

Erotisme

La consigne 69 coulait de source... Elle dure deux semaines. J'ai pour l'instant participé deux fois (et je compte  éventuellement poursuivre) : l'une en image, l'autre en texte. Les voici...


Titre : Cours de géographie

Dans les vallées

Dans les monts

De son corps

Je m’endors

Et me fonds

Dans les rebonds

Et les soupirs

J’atteins alors

Le frémissement

Et les délices

Ses seins de neige

Mes îles flottantes

Mes oasis

Et elle soupire

Et demande grâce

Dans les grottes

Dans les cavernes

Où je me cache

Il y a une femme

Qui s’endort

En souriant


Titre de la photo : La féline dort.

F_e_juillet006


25 juin 2009

Le côté obscur du jour

La consigne 66 portait sur la panne de courant. Il fallait aussi insérer au moins dix nombres. Voici mon texte... assez sombre, il faut bien le dire.


J’en compte seulement cinq, ce soir. Les autres ont dû se planquer, encore. Je sais bien qu’ils m’observent. Ce qui me perturbe, c’est que je m’étais préparé à en voir au moins huit. Je les avais invités pour baisser leur garde.

J’ai tout bien pensé, ça, c’est sûr : les boissons, les gâteaux apéros, les petits fours. Mais comme j’ignore ce qu’ils mangent vraiment, j’ai ajouté des saucisses, des légumes, des brochettes de bœuf et du fromage. Je n’ai pas encore tout sorti, mais je suis dans les starting-blocks depuis trop longtemps pour être surpris.

Quoique.

Deux d’entre eux-les chefs de la meute, je suppose- semblent renifler : leurs nez s’agitent. Ce n’était pas arrivé jusque-là.

Je me ressaisis : mon plan est bien ourdi, pas de panique. Ils s’avancent un peu. Leur odeur faisandée m’a toujours donné envie de vomir. Je dois me retenir. Pas maintenant. Ne pas tout gâcher pour un simple haut-le-cœur.

Je dois attendre que les trois autres débarquent. Ils ne vont pas résister cette fois, je le sens. Ils aiment l’odeur de ma sueur quand il fait chaud. Je l’ai compris il y a environ dix ans : j’étais au bord d’une plage, en train de flemmarder au soleil avec ma femme, quand je les ai vus pour la première fois. On ne me la fait pas : j’ai donc choisi une journée estivale pour les exterminer. Même la météo pouvait contrarier mes plans. Mais là, il fait vraiment chaud, presque lourd. Le temps va tourner à l’orage, à n’en pas douter. Pas grave : ça couvrira le bruit…

Je reste toujours face à eux. Ne jamais leur tourner le dos est une règle d’or. J’ai commis l’erreur une fois, pas deux. La femelle avait alors voulu me mordre au sang. Le mâle s’était ensuite jeté sur elle, non pas pour me sauver, mais pour défendre son bon de gras : il ne supporte pas que l’on touche à son garde-manger ni à ses jouets. Je m’en étais sorti cette fois encore, grâce à l’apparition de la nuit : ils ne vivent que le jour. Je me demande si ces deux-là s’étaient accouplés après leur dispute…

Je vois leurs babines frétiller. J’ai lentement sorti le plateau qui contient la viande, sans geste brusque. J’aurais pu parier sur leurs préférences culinaires. Je jette environ dix morceaux de viande un peu au hasard devant eux. Ils se ruent dessus. Et ils se sont encore rapprochés. Une fois qu’ils auront passé la ligne fatidique que je me suis tracée mentalement, j’appuierai sur le détonateur. Mais ils sont encore un peu trop loin…

J’espère avoir assez de viande.

L’atmosphère est étouffante. Une goutte de sueur perle à mon front. Le ciel commence vaguement à s’assombrir et j’entends au loin le tonnerre de façon assourdie.

Leurs yeux rouges ne me quittent pas du regard, même lorsqu’ils dévorent la chair. Je vérifie une énième fois que le détonateur est bien dans ma poche de veste. Je jette encore de la nourriture, plus près de moi, cette fois.

Le mâle dominant arrête les autres d’un mouvement de tête. Il me défie. J’essaye de sourire et de montrer mes paumes retournées, vides. Il renifle. Grogne un peu. Vas-y, grogne, je suis habitué, depuis le temps.

Il donne le feu vert aux autres. Ils avancent lentement quand même. Je n’en peux plus, l’air est si moite ! Le tonnerre se rapproche. Allez, avancez, bon sang ! Qu’on en finisse ! Que vous me foutiez enfin la paix…

Ça y est, ils y sont. Là, j’ai une chance de les avoir. Je savoure l’instant. J’entends le clapotis de quelques premières gouttes dehors. Je souris vaguement. Je n’ai pas souri depuis des années, je crois. Ma main est au-dessus de ma poche. Je suis prêt. Je suis si prêt de la libération…


 Mais non ! NON ! C’est le noir ! Les plombs ont sauté ! Non ! J’allais enfin vous tuer ! NON !

 


_ P’tain, j’en ai marre de c’lui-là ! Il n’a qu’une piqûre par jour, mais quel bastringue à chaque fois !

_ Ouais, je sais : les autres tarés de l’étage sont plus faciles à gérer. Tu les bourres de quelques cachets, et hop, i’s’tiennent à carreau.

_ Va encore falloir que je lui mettre deux baffes pour l’calmer.

_ Vas-y mollo quand même : on sait pas c’qu’i’ raconte aux psy’…

_ Allez, c’est bon, il a eu sa piquouze : éteins la lumière. On est tranquille jusqu’à demain.

 

16 juin 2009

Hors ligne

Consigne 65 : insérer cet incipit quelque part -> "Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage."  (La fascination du pire, de Florian Zeller).


Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage. J’aurais dû dire non à ce énième trajet, mais le capitaine 47 était cloué au lit. J’étais le seul pilote disponible. J’en ai pourtant plein les pattes, et le décalage horaire me tue. Je n’ai même pas eu le temps de me remettre de l’aller-retour en Argentine.

Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage. Encore une énième conférence sur l’œuvre de Proust à donner. Mais qu’est-ce qui m’a pris de me spécialiser sur un auteur aussi célèbre et couru ? J’aurais dû en choisir un quasi inconnu du grand public. Mais bon, Marcel et moi, ça date d’il y a si longtemps… Je me souviens de cette première lecture Du côté de chez Swann, difficile et inaccessible, tant et si bien que je me devais de recommencer par plusieurs fois les phrases aux tournures alambiquées, aux sujets rejetés, aux propositions emboitées – et la merveille, la révélation à mon cerveau lorsque ce puzzle devenait une image nette et splendide, un tableau de maître auquel j’avais enfin accès, comme un pirate découvrant par miracle la malle aux trésors ardemment cherchée pendant des années !

Au moment où le réveil a sonné, j'ai r’gretté d'avoir accepté ce voyage. Bobonne qui réclamait un cadeau pour nos trente ans de mariage, et patati et patata. On verra le carnaval, blabla. Ouais, ben moi, tout ce qui m’intéresse dans c’t’histoire, c’est de voir des minettes rouler des hanches gratos devant moi, avec leurs gros lolos qui s’agitent, sans que mémère vienne râler !

Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage. Je n’avais pas envie de laisser les enfants à mes beaux-parents, ces gens sans goût et sans tendresse, qui nous avaient reproché tant de fois « d’avoir fait des mômes en toute indécence », puisque nous n’étions pas mariés. Le reproche changera dorénavant, puisqu’on nous parlera d’avoir tant tardé, d’avoir jeté l’opprobre sur la famille, tout ça. Mais au moins, nous sommes unis officiellement maintenant. Je me moquais de ce que nos familles pouvaient penser. Mais protéger les enfants, c’est tout ce qui m’importe. Et voilà qui est fait. Sébastien voulait absolument que nous partions loin pour notre voyage de noces, et seuls pour que l’on se retrouve vraiment, a-t-il dit. Moi, je me retrouve quand ma tribu est là : mon amour, ma petite princesse et mon petit homme … Un voyage en France m’aurait suffi, et les enfants, ce sont mes rayons de soleil. Pas besoin de partir de l’autre côté de l’Atlantique pour être heureuse.

Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage. Je n’ai plus l’âge de faire des orgies, je crois. Le nouveau petit steward était pourtant à croquer, et je ne regrette pas cette nuit passée à le dévorer. Je pense qu’il a été surpris de découvrir que le mythe de l’hôtesse de l’air n’est pas mort… Si je le retrouve sur un prochain vol, je lui ferai danser la capoiera à deux sous les draps ! Oh punaise, ma tête… Mes amis aspirine et fond de teint vont encore me sauver. Allez, je vais appeler un taxi pour ne pas être en retard cette fois-ci.

Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage. Mon psy m’avait dit : « Prouvez-vous que vous êtes acteur de votre vie ! » Le seul truc que j’ai trouvé à faire, puisque je passais des heures sur le net, ça a été de surfer sur des sites de voyages de dernière minute. Une offre irrésistible, hors saison, au soleil, avec l’excuse culturelle du carnaval. J’ai été un bon danseur, autrefois. Enfin, surtout avec Michèle. Bien avant qu’elle ne me quitte. Je me suis dit qu’aller là-bas, en terre de la samba, me redonnerait peut-être l’envie de danser, et que je pourrais reconquérir Michèle…

 

Au moment où le téléphone a sonné, j’ai regretté d’avoir accepté ce poste de dirigeant d’une compagnie aérienne…

8 juin 2009

Consigne 64

La consigne des défis du samedi était de poursuivre la nouvelle fantastique la plus courte de F. Brown (Un coup à la porte) : "Le dernier homme sur la Terre était assis tout seul dans une pièce. Il y eut un coup à la porte..."


Dans un premier temps, il crut avoir mal entendu. S’être trompé. D’un geste lent, il se tourna, sans un bruit.

Le coup recommença.

Stupéfié, l’homme s’approcha d’un pas lourd et tremblant. Il fut si lent encore, que, pour la troisième fois, on frappa à nouveau. Les coups étaient secs, rapides, nets. Aucune hésitation dans le geste.

Enfin parvenu à la porte, la main sur la poignée, l’homme sentit une goutte de sueur s’insinuer dans son dos et glisser le long de sa colonne vertébrale. Pourtant, il se sentait glacé.

Il tourna la poignée. Sa main moite collait à celle-ci.

Il entrouvrit la porte.

Personne.

Personne n’était visible.

En revanche, ce que l’homme laissa perplexe, ce fut la pluie. Il pleuvait de grosses gouttes abondantes et irrégulières. Il se retourna avec précaution, et vit dehors, par la fenêtre, un soleil éclatant…

 


Comme il est stupide, celui-là ! Quel spécimen !

D’un autre côté, il est drôle. J’adore lui faire des farces. Certes, j’y suis allé un peu fort avec la fin de son monde… Mais le coup de la porte ! Qu’est-ce que ça me fait rire ! J’en pleure à chaque fois…

Au moins, maintenant, les Hommes ne me font plus pleurer de désespoir…

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3 juin 2009

Carnet de voyage : city trotteuse

La consigne des défis cette semaine était d'envoyer des extraits d'un carnet de voyage, imaginaire ou pas... Voici mon texte, intitulé City trotteuse. J'en ai eu l'idée en rentrant de mon périple parisien hier...


Affiche_oeil

Je suis de tous les voyages, quand je le désire. Je vogue dans l’espace et dans le temps.

Ce matin, j’ai commencé par l’Espagne avec un jus d’orange, puis saut de puce vers les Caraïbes, avec un yaourt citron vert coco. Et l’Italie, comme tous les jours, avec mes deux espresso.

Puis direction la ville lumière en scooter.

Quand j’enfourche mon fidèle destrier à moteur, je me sens comme une jeune femme outrancière du XIXème siècle qui osait monter à cheval à la cavalière. Une fois mon casque mis, je deviens pilote d’une 500cc, ou encore spationaute, peu importe.

Ma galaxie est vaste.

Place Péreire, Villiers, Malsherbes, Saint Sulpice, Madeleine, Opéra, le Louvre : quartiers chics, mais leurs pavés tape-cul qui fanfaronnent tout du long me projettent en Inde ou en Afrique.

Le long des quais, j’ai droit à ma petite madeleine proustienne, qui me ramène des années en arrière, quand je me baladais là, à pied…. Mais quand était-ce ? Un été parmi tant d’autres sans doute.

Le bazar de l’hôtel de ville, empli de bourgeois bohème, de vieilles dames qui cherchent un tapis d’évier, mais surtout de touristes, me rappelle où je suis. Des housses de coussins splendides m’emmènent encore en Inde, et le thé Kusmi en Russie…

L’hôtel de ville en lui-même, d’où je ressors armée de paquets, sous ce ciel divinement parfait, me fait penser à la piazza Navona, à Rome...

Je prends le temps de tout admirer avant de repartir. La tour Saint Jacques, sur le trottoir gauche de la rue de Rivoli (encore l’Italie), et c’est Breton avec sa clique. Desnos. Soupault.

Auber, Place de Clichy, boulevard du même nom : me voilà au Moyen-Orient, avec le roi du poulet hallal, les odeurs de merguez, Tati qui m’appelle. Ben J, le roi de la frite, fait ses livraisons.

Tout est parfait… Jusqu’au moment où une berline blanche se réinsère sans prévenir. Paris. Les voitures qui déboîtent, les deux roues qui défilent, qui défient la ville, qui finissent en boîte…

Tati m’offre une huile de lotus qui m’envoie en Egypte, des maillots de bain bariolés dignes de Miami, des marshmallows américains, des t-shirts faussement punks qui me ramènent à Londres, alors que je suis au milieu du quartier musulman…

Je repars, toujours chargée, avec un sac posé tant bien que mal sur le siège arrière et tenu par un tendeur : je suis sherpa à moteur.

Le temps est parfait. Ni trop chaud, ni trop frais. A peine une brise pour de temps en temps me caresser le visage. Je pourrais être à Madrid, Rome ou ailleurs. J'aurais presque envie de pleurer devant tant de beauté.

Je finis mon voyage sous le soleil de mon balcon, devant une assiette italienne. Mon petit New-York me fait face, sans un nuage pour lui donner de l’ombre. Je termine sur deux ou trois gâteaux que ma mère a rapportés d’Algérie : cornes de gazelle, pâte d’amande, fleur d’oranger… Et sur un verre de menthe et de citron, qui pourrait être un mojito… sans alcool.

Je suis en France. Je suis partout. Je suis bien : je ne vivrais nulle part ailleurs.

D_fi_63

(Musique ici)

26 mai 2009

Ceci n'est pas un texte

Cette semaine, la consigne était musicale. Trois morceaux instrumentaux, qui m'ont désarçonnée... Voici pourquoi.


Ceci n'est pas un texte.

J’avais quinze ans environ. J’avais choisi une colonie de vacances de trois semaines avec des activités artistiques : photographie, calligraphie, danse.

Danse… Rien qu’à l’idée, j’avais peur. Mal dans mon corps, timide à l’excès, pas encore assez vieille pour comprendre ce que j’aimais dans le corps de l’Autre, complexée. Une adolescente, quoi. Et puis je détestais danser.

Pourtant l’approche de la prof fut aussi déroutante pour moi que géniale. Il s’agissait de danse contemporaine, un peu dans le style de Carolyn Carlson, que je ne connaissais évidemment pas. La première année de cette colo, je me suis tout pris en pleine tête. Tous mes sens étaient en alerte, bouleversés de tant d’émotions. Je le vivais même mal, cet excès.

J’ai décidé l’été suivant de réitérer. J’avais seize ans. J’étais prête, enfin. J’ai pu utiliser mon corps à des fins artistiques, sans être morte de honte. J’ai même fait alors mes premiers autoportraits, genre photographique que je n’ai jamais lâché depuis… Et puis il y avait la danse. J’acceptais enfin les conseils, les directions que mes pas allaient suivre : je recevais, et donc je donnais.

DSCF1428

Je comprenais que mon corps pouvait être beau, en lui-même. Qu’il avait son propre langage, et que je pouvais créer sa grammaire, ma grammaire. Depuis, j’ai beaucoup occulté tout cela…

Pour les cours de danse, C. avait un gros poste à cassettes (oui, c’est d’un autre âge, je sais) qu’elle transportait partout. J’y ai entendu mille choses. Mais cet été-là, j’ai pris deux baffes musicales : La Callas, et René Aubry.

C., pour le spectacle de fin de séjour, faisait un solo sur « Casta diva », évidemment interprété par Maria Callas. Je n’avais jamais rien entendu d’aussi beau. J’en ai pleuré, lors de la première répétition. Je m’y revois encore…

Et puis il y a eu René Aubry. Musique instrumentale qui m’a accompagné les années suivantes, dans mon quotidien. On avait du mal à trouver ses albums dans le commerce, et ceux-ci valaient chers, à l’époque. Je les ai toujours.

L’écoute unique des morceaux de la consigne m’a ramenée à lui et à ces souvenirs d’adolescence. Mais si je suis honnête avec moi-même, je n’ai pas pu les réécouter parce qu’à la fin du film que j’ai déroulé de mon passé, j’ai accroché un wagon supplémentaire : vers la fin du deuxième séjour, j’ai poussé ma mère à me dire au téléphone ce qui n’allait pas. Je sentais à sa voix, à chaque fois que nous parlions, elle à la maison, moi dans une cabine, qu’une faille se faufilait. Et je n’avais pas mon père en ligne, lui, le silencieux gourmand de téléphone.

On lui avait découvert des ganglions et il devait se faire opérer. On mettrait en culture pour voir s’il n’y avait rien de malin ; mais lui, le sportif, non fumeur, buveur d’eau, ne craignait rien, n’est-ce pas ?

Nous étions en août 1992.

Il est mort en octobre 1993.


René Aubry. Après La Pluie 2

 

22 mai 2009

Avaler la route

Tu le dois j'aurais dû
M'engouffrer dans le soleil
Descendre pour mieux remonter
J'aurais dû impossible
Découvrir les vallées
Riantes et apaisées
L'embouchure de l'amitié
La musique m'aurait portée
Le sourire aux lèvres
Vers de nouveaux visages
Vers de nouveaux rivages
Partir je range la voiture
Le silence aurait primé
Peut-être
Gêne complice
Complices gênées
Partie remise
Les dés étaient pipés
Je regrette le soleil
D'un sourire
Caché  encore
Un peu


Voiture

 

20 mai 2009

Marathon (suite et fin)

Et voici mes trois autres textes, toujours classé dans l'ordre chronologique...

automne_nuit


Puzzle


Carrés de thé

Feuilles de chocolat

Brin de cheveu

Brosse à herbe

Crayon à soie

Ver à papier

Tasse à repasser

Table à café

Carafe à pain

Machine d’eau

Bouquet à bulles

Enveloppe de fleurs

Chat de bien

Homme de race

Mise de plain-pied

Maison en demeure

Bille à pied

Verre en verre

Flûte de textes

Cahier en bois

Sans revoir

Au lieu



Silences

« Chut », dit-elle doucement, tout doucement pour éviter de répondre. Ou pour assagir. Ou pour rassurer. Ou pour éviter d’admettre qu’elle pleure.

Elle imagine toujours ce chut comme un murmure, dit avec un sourire.

Rien d’autoritaire dans ce vœu de silence.

Mais comment le faire comprendre au travers d’une simple fenêtre de messagerie illuminée dans la nuit ?

Il manque la voix, le souffle, les lèvres qui se plissent dans un rictus doux comme un nuage, les yeux qui abaissent les paupières lentement, pour les relever ensuite sur un regard sucré, presque implorant…

« Chut », dit-elle. « Chut », dis-je… sur une messagerie qui sera toujours en-deçà de la voix..



Feuillets d'automne

Octobre peut être rouge. Ou brumeux. Jaune d’or aussi.

Octobre est souvent gris, pour moi.

Octobre est le mois de ma naissance. Je suis une fille de l’automne. Une fille aux feuilles qui brunissent et volètent.

Octobre est le mois de ma mort. Je suis morte et j’ai dû renaître de mes cendres juste avant la Toussaint, il y a quinze ans.

Octobre est un mois que je redoute toujours. Et un mois que j’aime pour ses couleurs.

Octobre est le mois où mon anniversaire précède toujours celui de la mort de mon père. Comment peut-on d’ailleurs parler d’anniversaire de mort ? Je me suis toujours posé la question.

Octobre : mois d’or et de cendres.

Je suis la fille de celui qui m’a protégée avec ses branches nues. En toute saison.

Je suis la fille aux cheveux dans le vent froid de l’automne, aux feuilles qui volètent au gré des souvenirs.

Je suis celle qui meurt et renaît chaque année, chaque mois, chaque automne, chaque jour.

Le sommeil est mon passage de l’un à l’autre.

Je vais m’y engouffrer, et vous laisser là pour cette fois…

20 mai 2009

Marathon

J'ai participé l'autre soir, pour la première fois de ma vie, à un marathon. Oui, moi, la non sportive, la récalcitrante du short, l'anti balleuse, je l'ai fait. Normal, remarquez : c'était un marathon d'écriture.

course_marathon_m

Le principe est simple : admettons que vous commenciez à écrire à 20h. Vous devez fournir un premier texte avant 21h. Et ainsi de suite chaque heure. J'en ai fait six en quatre heures, en compagnie de ma délicieuse camarade Val.

Le plus dur, c'est de se retrouver face au clavier sans trop savoir quelle voie suivre. Voici mes trois premiers textes, par ordre chronologique...


Ptit poème

 

Il en est de l’amour

Comme des gaufres

C’est chaud et croustillant

Sur le moment

Mais ramolli le lendemain

Quoique toujours délicieux

 

Il en est du silence

Comme des mots

On les savoure

On les partage

Quand les ondes

Sont les mêmes

 

Il en est des écrits

Comme des bijoux

Les plus précieux sont cachés

Les pacotilles s’exposent

Les pierres scintillent

Et l’on referme le coffre

 

Il en est du désir

Comme du feu

Il ne dure que si

On l’entretient

Il s’allume

Et nous brûle

Délicieusement

 

Il en est de mon texte

Comme d’une aventure

Celle qui éclot

Au détour d’un clavier

Celle qui avance lentement

De peur de tomber



Bouquet de fleurs

 

Elle portait une robe fleurie, aux couleurs légères. On aurait dit un tableau impressionniste à elle seule : la lumière se dégageait d’elle, et elle absorbait le soleil. Elle avait voulu porter un chapeau de paille, mais celui-ci s’échappait à la moindre occasion.

Sa longue main fine de pianiste le retenait, comme si les oiseaux pouvaient le lui voler. Ou le vent.

Tout rayonnait autour d’elle.

Nous n’osions jamais lui parler d’autre chose que du lycée, de fleurs, de nos familles… Nous étions tous amoureux d’elle. Mais elle, elle était libre et riait à gorge déployée dès que nous parlions d’avenir ou d’amour.

Libre.

Libre…

Et puis elle est partie après le Bac. Ses parents l’ont trainée dans une ville sombre, sans fenêtres sur la lune ou le soleil. Elle était le soleil, mais celui-ci s’est éteint progressivement. Elle ne nous a plus écrit et n’est pas revenue en vacances nous voir…

Je l’ai croisée des années plus tard, par hasard. J’attachais ma bicyclette; elle arrangeait des bouquets. Les tournesols se tournaient vers elle. Elle rayonnait à nouveau, dans ce quartier parisien un peu bobo mais sympathique. Elle était devenue fleuriste. Comment aurait-il pu en être autrement, d’ailleurs ?

J’étais heureux. Je ne suis pas allé la saluer, même si j’étais toujours amoureux d’elle, évidemment.

Mon soleil.

Ma lune.

Ma fleur.


A rebours

J’aurais dû commencer par là.

Je suis assise à ma table de salon, les chats passent parfois devant le clavier pour réclamer une caresse, mais je dois les éloigner afin de m’en tenir au timing imposé par le marathon.

Je me suis fait un thé à la menthe sucré, comme on le boit en Afrique (on en boit trois, normalement : le premier sucré comme l’amour, le deuxième doux la vie, le dernier amer comme la mort…) mais je me contenterais de l’amour pour ce soir.

J’ai chaussé mes lunettes pour éviter une éventuelle fatigue oculaire, même si la correction est minime. Seules trois petites lampes sont allumées, ce qui crée un espace feutré. Je n’aime pas les lumières vives : elles m’agressent.

Voilà, le chat noir s’affale dans mes bras et tricote contre moi. Peu pratique pour écrire, mais je ne peux refuser tant d’amour sans condition.

Au loin, la Défense se perd peu à peu dans la brume. J’écoute Fip en fond sonore. C’est doux.

Je me demandais en début de soirée ce que j’allais écrire, un peu tétanisée par ce nouveau défi littéraire… Progressivement, je m’apprivoise.

C’est bien, parfois, d’être moins sauvage…

 

 

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