Marathon
J'ai participé l'autre soir, pour la première fois de ma vie, à un marathon. Oui, moi, la non sportive, la récalcitrante du short, l'anti balleuse, je l'ai fait. Normal, remarquez : c'était un marathon d'écriture.
Le principe est simple : admettons que vous commenciez à écrire à 20h. Vous devez fournir un premier texte avant 21h. Et ainsi de suite chaque heure. J'en ai fait six en quatre heures, en compagnie de ma délicieuse camarade Val.
Le plus dur, c'est de se retrouver face au clavier sans trop savoir quelle voie suivre. Voici mes trois premiers textes, par ordre chronologique...
Ptit poème
Il en est de l’amour
Comme des gaufres
C’est chaud et croustillant
Sur le moment
Mais ramolli le lendemain
Quoique toujours délicieux
Il en est du silence
Comme des mots
On les savoure
On les partage
Quand les ondes
Sont les mêmes
Il en est des écrits
Comme des bijoux
Les plus précieux sont cachés
Les pacotilles s’exposent
Les pierres scintillent
Et l’on referme le coffre
Il en est du désir
Comme du feu
Il ne dure que si
On l’entretient
Il s’allume
Et nous brûle
Délicieusement
Il en est de mon texte
Comme d’une aventure
Celle qui éclot
Au détour d’un clavier
Celle qui avance lentement
De peur de tomber
Bouquet de fleurs
Elle portait une robe fleurie, aux couleurs légères. On aurait dit un tableau impressionniste à elle seule : la lumière se dégageait d’elle, et elle absorbait le soleil. Elle avait voulu porter un chapeau de paille, mais celui-ci s’échappait à la moindre occasion.
Sa longue main fine de pianiste le retenait, comme si les oiseaux pouvaient le lui voler. Ou le vent.
Tout rayonnait autour d’elle.
Nous n’osions jamais lui parler d’autre chose que du lycée, de fleurs, de nos familles… Nous étions tous amoureux d’elle. Mais elle, elle était libre et riait à gorge déployée dès que nous parlions d’avenir ou d’amour.
Libre.
Libre…
Et puis elle est partie après le Bac. Ses parents l’ont trainée dans une ville sombre, sans fenêtres sur la lune ou le soleil. Elle était le soleil, mais celui-ci s’est éteint progressivement. Elle ne nous a plus écrit et n’est pas revenue en vacances nous voir…
Je l’ai croisée des années plus tard, par hasard. J’attachais ma bicyclette; elle arrangeait des bouquets. Les tournesols se tournaient vers elle. Elle rayonnait à nouveau, dans ce quartier parisien un peu bobo mais sympathique. Elle était devenue fleuriste. Comment aurait-il pu en être autrement, d’ailleurs ?
J’étais heureux. Je ne suis pas allé la saluer, même si j’étais toujours amoureux d’elle, évidemment.
Mon soleil.
Ma lune.
Ma fleur.
A rebours
J’aurais dû commencer par là.
Je suis assise à ma table de salon, les chats passent parfois devant le clavier pour réclamer une caresse, mais je dois les éloigner afin de m’en tenir au timing imposé par le marathon.
Je me suis fait un thé à la menthe sucré, comme on le boit en Afrique (on en boit trois, normalement : le premier sucré comme l’amour, le deuxième doux la vie, le dernier amer comme la mort…) mais je me contenterais de l’amour pour ce soir.
J’ai chaussé mes lunettes pour éviter une éventuelle fatigue oculaire, même si la correction est minime. Seules trois petites lampes sont allumées, ce qui crée un espace feutré. Je n’aime pas les lumières vives : elles m’agressent.
Voilà, le chat noir s’affale dans mes bras et tricote contre moi. Peu pratique pour écrire, mais je ne peux refuser tant d’amour sans condition.
Au loin, la Défense se perd peu à peu dans la brume. J’écoute Fip en fond sonore. C’est doux.
Je me demandais en début de soirée ce que j’allais écrire, un peu tétanisée par ce nouveau défi littéraire… Progressivement, je m’apprivoise.
C’est bien, parfois, d’être moins sauvage…