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Prof et plus si affinités
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Prof et plus si affinités
30 juillet 2011

Jour 4 / Le Villeret d'Apchier-Chanaleilles / 23.927 pas / 11km

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Un peu inquiète pour mes pieds, et tentée par le fonctionnement d'une pélerine qui faisait de courtes étapes, je décide de ne pas enchainer avec celle de St Alban (30km environ) le lendemain. Je prends donc mon temps, j'ai réservé dans un gîte réputé et à tendance religieuse (je voulais tenter tout l'éventail d'hébergements offert).

Cette petite étape était assez agréable, et surtout nécessaire. J'ai croisé les quatre lourdeaux du premier soir, et marché avec E., qui m'avait donné l'idée d'alléger mon chemin pour une journée.

Arrivée au gîte de peu avant E., je découvre l'accueil, assez déroutant pour moi : on me dit de poser mes affaires, de m'asseoir (jusque-là tout va bien); on m'offre un sirop au choix, et... on me chante une chanson. La guitare, les enfants en choeur, tout y est. C'est "le chant du pélerin", mâtiné de propos religieux auxquels je n'adhère guère.

Et l'on m'explique que ce texte est chanté à chaque pélerin entrant ici, et au début du repas du soir. Je dis bien à chaque pélerin. Ensuite, les paroles avec la partition nous sont données avant de visiter le gîte, qui contient par exemple un oratoire pour prier, des murs emplis de photos du pélerinage des propriétaires et des livres religieux...

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Ceci étant, le gîte a tout le confort pour le pélerin en mal de repos.

Au moment où E. est arrivée, la chanson se terminait et je ne savais trop comment réagir. Le propriétaire nous demande alors comment nous sommes parvenues chez lui et pourquoi nous faisons le chemin. Je trouve cela assez intrusif, car les raisons sont souvent fort personnelles. E. n'a aucun mal à causer de tout cela (elle est un peu moulin à paroles), mais je reste plus évasive. Je parle de besoin de silence, de me retrouver après une année difficile avec les élèves.

Et là, bing : allons-y sur les élèves, etc. Aucune envie de parler de cela à ce moment précis. Je réagis simplement et sans aucune agressivité au moment où il me dit : "Tu pourras parler de ton expérience de St Jacques à tes élèves et leur en faire profiter." Je réponds :"Non. Je ne leur en parlerai pas. Que je fasse le chemin pour une raison religieuse ou pas, dès que j'aurais prononcé le nom de "St Jacques", ils y verront une connotation religieuse. Et je ne cesse de défendre la laïcité à l'école, alors cela serait incohérent." Premier hoquet de mon hôte.

Son deuxième hoquet, ce sera le soir, au moment du repas : 1) je n'ai pas rempli les pages de ma créanciale (j'apprends d'ailleurs que la version plus laïque du document est la crédentiale, que j'aurais voulue); 2) je n'ai pas chanté le chant du pélerin. J'étais la seule. Mais je ne voyais pas pourquoi je me serais forcée. Le repas se passe d'ailleurs fort bien, avec pas mal de légèreté. Un couple de parisiens archi caricaturaux du XVIème arrondissement occupe l'espace, mais d'un coup d'oeil je me rends compte que nous nous en amusons tous : l'homme a tout vu, tout connu, sait tout sur tout. Sauf qu'il fait des erreurs.
B., une femme d'une quarantaine d'années, très sympa et drôle, me proposa même un massage des pieds et des épaules. Elle est réflexologue. Je suis contente de me laisser aller à ce type d'expérience, sans a priori : je n'aurais pas su le faire il y a quelques mois. B. m'a soulagée d'une douleur persistante à l'épaule, due à mon sac à dos. Mon étape suivante a été réalisable grâce à elle.

Sinon, le troisième hoquet, c'est moi qui vais l'avoir le lendemain matin. Le petit-déjeuner, délicieux, dure un peu. Avant de quitter le gîte, il faut régler. E. et D. (rencontré dans ce lieu) sont près de moi. Nous nous acquittons de nos dettes l'un après l'autre, et au moment où l'hôte me donne une facture, il me lance : "Bon, eh bien, Virgibri... Bon chemin quand même."

Interloqués, nous nous regardons. Je reste très souriante en demandant :

_ "Quand même" ? Pourquoi ce terme ?
_ Ben... parce que... tu ne sembles pas être dans l'esprit du chemin.
Je sens mes deux comparses aussi perplexes que moi.
_ Mais il n'y a pas UN chemin : il y a autant de chemins que de pélerins.
_ Euh, oui, oui, bien sûr...

Je redescends à ma chambre pour prendre mes affaires, et je constate que ces propos ont autant choqué mes camarades que moi. En remontant, armée de mon barda, je sens mon hôte empoté et confus. Il me demande s'il peut me faire la bise. "Quand même ?", rétorquai-je en souriant malicieusement.
Il m'embrasse et me confie confusément : "C'est qu'hier soir... pendant la chanson... tu semblais toute..." et il mime une sorte de renfrognement. "J'avais le droit de ne pas chanter. Il n'y a aucune obligation." Et je suis sortie, calme, sûre de l'avoir perturbé en ses fondements, en n'ayant pas fait grand-chose.

Une étape de 20km m'attendait.

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Commentaires
M
Ah, ben en lisant la suite, je me suis rendu compte que tu reprenais tes notes a posteriori.<br /> Enfin j'espère que le reste de ton périple s'est bien passé !
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M
Bonjour ! Je viens de découvrir ton blog, après avoir farfouillé pas mal à la recherche de blogs de professeurs (je passe le CAPES en novembre), et c'est une joie de découvrir que tu es sur le chemin !<br /> Je viens moi-même de rentrer à Paris, après avoir marché du Puy-en-Velay jusqu'à Cahors, pendant la dernière quinzaine de juillet.<br /> Tu as bien fait de ne pas faire Saugues-St Alban d'un seul coup : je me suis bousillé les pieds sur cette étape !<br /> Je te souhaite un bon chemin, sans contraintes et sans pression de quelque ordre que ce soit. Nous avons tous de bonnes raisons d'entreprendre ce voyage, et il est important que tu le vives comme tu l'entends.<br /> Au plaisir de te lire !<br /> Professeur Münch.
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V
@ Kloelle : j'ai respecté ses convictions, et n'ai pas été désagréable. J'ai juste trouvé qu'il manquait d'ouverture sur la conception du chemin :il n'y a pas que la version religieuse. ;-)<br /> <br /> @ Aimelacapelle : merci pour ce témoignage. Je poursuivrai dès que je pourrai le récit très formel de mon périple. Je suis en plein rangement : besoin de vide et d'espace chez moi après cette expérience...
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A
Mon épouse, professeur elle aussi, suit ton ton blog. Voyant que tu avais commencé le chemin vers St jacques et l'ayant commencé moi-même l'année dernière, elle a décidé de me faire lire tes impressions. <br /> Ne sachant plus si je croyais encore ou non à quelque chose, m'appelant jacques et après le décès de mon père il y a quelques années, j'ai décidé de commencer ce chemin que tant de gens ont emprunté. <br /> J'étais parti l'année dernière, pour les vacances de la Toussaint et contrairement à toi, j'ai eu 6 belles journées de marche avec un temps magnifique. La 7ème et dernière journée, elle, fut...mémorable. <br /> Je suis parti d'Aumont à Nasbinal et je me suis retrouvé sur les plateaux de l'Aubrac en pleine pluie, vent et brouillard. <br /> Pourtant, malgré les difficultés, cette dernière étape restera gravée dans ma mémoire car à travers les paysages désertiques traversés, j'ai retrouvé ce que j'étais venu chercher. De la solitude et quelques réponses aux innombrables questions que je me posais.<br /> Contrairement à toi, j'ai eu la chance de suivre indirectement de près ou de loin le même groupe de randonneurs. Je me souviens de ce groupe de quatre instituteurs tout juste à la retraite et qui avaient décidé de revenir vers les écoles où ils avaient enseigné. <br /> Ces quatre personnes resteront gravées au fond de moi car d'une gentillesse extrême et d'un savoir immense, surtout sur l'histoire de la bête du Gévaudan. Bon, autre appréciation non négligeable, ils étaient de bons vivants et nous avons eu l'occasion de bien boire et bien manger ensemble.<br /> Après avoir marché 7 jours, je me suis octroyé une journée pour me remettre dans le bain car lorsque tu traverses des paysages magnifiques, je savais qu'il me serait difficile de rentrer. Et effectivement, malgré cela, le retour fut très difficile. Heureusement, mon épouse était là (ainsi que deux ou trois spécialités locales) afin de surmonter le vide ressenti.<br /> Cette année, je vais continuer mon périple et ne pouvant pas partir à cause de mon travail avant Décembre, je sais que le plus dur m'attend ! La neige et le froid seront sûrement au rendez-vous mais je sais que j'attends quand même avec une très grande impatience ce rendez-vous entre la nature magnifique de l'Aubrac et moi-même. <br /> Je te souhaite un bon retour à la vie normale et ne manquerai pas de lire la suite de ton périple...
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K
Oui...en même temps c'était un hébergement "religieux".<br /> Je pense que si la "pratique religieuse" de cet hôte te dérangeait il fallait choisir un hébergement plus proche de tes idées. Lui n'a été que fidèle à ce qu'il était, à sa manière de penser et de vivre.
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