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Prof et plus si affinités
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Prof et plus si affinités
11 juillet 2010

Ma vie, ma bibliothèque

Il y a de cela quelques semaines maintenant, Ed me proposait, par blog interposé, une entrée : raconter quel lecteur nous sommes. Puisque je suis en vacances, que les hirondelles tournicotent au-dessus du balcon, qu'une alarme de voiture a sonné toute la nuit et vient juste de s'arrêter, et qu'il fait encore frais, je m'y mets !

Snapshot_20100607_2


La lectrice que j'ai commencé à être

Comme j'ai peu de souvenirs d'enfance, je rassemble des images et des dires pour raconter ces débuts.

martine

Je sais que ma mère me lisait des contes le soir.  C'est aussi elle qui m'achetait régulièrement les albums Martine, les énormes albums de BD type Spirou, et il y avait, je crois, des livres de la bibliothèque rose et verte quelque part... J'ai donc lu le Club des cinq, forcément, et auparavant Oui-Oui.

Spirou_1

Mais j'étais très intriguée par les anciens ouvrages de mon grand-père maternel (mort avant ma naissance), rangés sur une étagère basse, derrière un fauteuil, aux mots étranges sur les tranches, avec des Z : Balzac, Zola...

Et pour contenter ma curiosité, mon père m'offrait régulièrement des encyclopédies par thème, que j'adorais. Je ne les trouve plus aujourd'hui, et je ne sais ce qu'elles sont devenues. Les titres étaient assez simples : Pourquoi ?, Comment ça marche ?, Quand ?, etc. Ma culture s'est généralisée grâce à cela, je crois.

La lectrice pré-adolescente

Dans un certain désordre chronologique, sachez que j'ai poursuivi ma lecture de BD (pas des titres cultes) avec, par exemple, Clifton, que j'aimais beaucoup. J'aimais lire tout ce qui me tombait sous les yeux, de la pancarte de publicité au magazine léger, en passant par feuilleter les livres de mon père ou tenter d'en lire la 4ème de couverture.

Clifton

En 6ème, j'ai eu une prof assez extraordinaire, petit bout de femme qui avait une culture classique et un esprit jeune, ouvert. Il me semble avoir lu des choses sur la mythologie grâce à elle. Je l'ai eue aussi en cinquième, mais je ne sais plus trop quel type de livres je lisais à cette époque. Est-ce là que j'ai lu Fred Ulhman ? Je l'ignore.
Toujours est-il qu'en cours d'année scolaire, notre prof a été absente. Elle n'est jamais revenue. On ne disait pas ces mots-là, mais elle devait avoir un cancer.
Du coup, en 4ème, nous avons vu défiler une série de remplaçants, tous aussi transparents les uns que les autres. L'une d'eux nous avait fait lire un Balzac (mon premier !), Eugénie Grandet. J'en ai un souvenir effroyable mais attendri, aussi : je l'ai lu avec mon dictionnaire à la main, presque. C'est là que j'ai commencé à apprendre du vocabulaire. Le réflexe du dico m'est resté.

Et puis en troisième, nous voyons arriver une énième prof à la rentrée. Désabusés, nous pensons qu'elle aussi repartira. Mais il semble que non. C'était Comtesse. Truculente et passionnée, elle me fait découvrir Philippe Soupault, Apollinaire...

J'avais acheté à la librairie favorite de mon père un premier ouvrage de poésie : Rimbaud. Je lisais sans comprendre, en trouvant cela magnifique. C'est à cette époque que je me suis mise à lire à voix haute, et que j'ai appréhendé le bonheur sonore de la lecture.

Me voilà donc plongée, à treize ans, dans la poésie. Un monde s'ouvre à moi.

Cette année-là, je crois avoir lu beaucoup. J'ai entamé une longue série de "classiques" : Balzac et Zola, Barbey d'Aurevilly, Colette (la série des Claudine), George Sand... J'en oublie énormément. Je me plongeais aussi dans des ouvrages de culture littéraire, j'apprenais les mouvements, je créais des réseaux intellectuels...

La lectrice adolescente

On attaque la période très faste... Riche de ce que Comtesse m'avait enseigné et de ce que j'avais appris seule, je fais mon entrée en seconde à la fois angoissée, exaltée, et un peu sûre de moi.
C. (dont j'ai reparlé récemment) nous accueille avec un test de culture littéraire (idée que j'ai reprise depuis que j'enseigne !) : j'ai 17 sur 40. Je me souviens encore de ce camouflet. Je redeviens modeste, et je lis, je dévore, j'apprends, je bois les cours. Je note toute référence donnée par C. dans les marges de mon cahier, ce qui me permet ensuite de passer des heures à la Keufna pour les trouver, les jauger.
C'est là que je me suis réellement ouverte à toutes les littératures : en deux ans, j'ai découvert par exemple Herman Hesse, Toni Morrison, John Fante, Christian Bobin, John Irving, Jim Harrison, Yukio Mishima, Virginia Woolf, Stefan Zweig, Paul Auster...

Woolf

Il va sans dire que je frétille, que je me passionne, que je brûle avec l'enthousiasme de l'adolescence.

La lectrice post-Bac

Deux années de prépa, ça marque. C'est la période où j'ai le plus lu, autant par force que par raison. Le plaisir s'émoussait à mesure que l'on m'humiliait. Non : le plaisir n'était pas toujours la partie la plus visible de l'iceberg. Par exemple, lire cinq Balzac en quinze jours, avaler des Point Seuil histoire, connaître par coeur Le Porche du mystère de la deuxième vertu de Péguy ou faire un exposé sur la finitude chez Sartre en lisant L'Etre et le néant alors que mon père venait d'être insinéré, tout cela relevait de l'exploit intellectuel et émotionnel, comme si nous étions des animaux de cirque.

Pour autant, même si j'ai occulté quasiment tout énormément de références, de notions, j'ai appris aux forceps et cela m'est resté ancré, quoi que j'en dise.

Le soir, quand ma mère rentrait tard du travail (dans la restauration), elle me trouvait en position assise dans mon lit, toutes lumières allumées, un livre à la main, un cahier à côté de moi... endormie profondément. Elle éteignait, et je ne m'en rendais pas compte. Je lisais tout le temps : dans le métro, chez moi, le soir, le matin, durant les vacances, tout le temps.

J'ai souvenir d'une expérience assez traumatisante d'une lecture de l'époque : celle de La Nausée de Sartre. A cause de ce fameux exposé sur la finitude, je lisais du Sartre à tout va (avec énormément de plaisir; j'ai eu ma période existentialiste à cette époque). Dans le métro bondé, un matin, j'étais absorbée par ma lecture, quand je sens tout le monde bouger à une station. Je relève la tête, et je perçois donc tous les passagers descendre de la rame pour en prendre une autre à Invalides, sur le quai d'en face, en raison d'un souci technique. Je voyais la scène avec trop de recul, comme absente. Témoin de ce mouvement de foule non loin du convoi animal, j'ai ressenti la nausée, vraiment. Expérience physique de ma lecture, comme j'en ai rarement eu.

naus_e_sartre


La lectrice adulte

J'ai bien plus de mal à vous en parler, étrangement. Je peux vous renvoyer à la catégorie Lektur sur mon blog, par exemple. Vous dire aussi que j'ai poursuivi ce mélange entre classiques et modernes, entre différents genres. Je lis aussi depuis quelques années des auteurs contemporains vivants.

Mais il y a eu deux années post études durant lesquelles j'ai fort peu lu, quand même : j'avais fait une overdose avec la prépa, je pense.

Je me sens toujours fort curieuse de découvertes, d'expériences nouvelles. Cette année, l'Agreg va me forcer à lire Montaigne, une poétesse russe ou encore Césaire. J'aime cette variété.

Et enseigner en lycée m'y oblige aussi : je détesterais la répétition complète d'une année sur l'autre.

Des questions dans la salle ?

Snapshot_20100607

PS : N'allez pas croire que j'associe mes lectures à ma scolarité. Seulement, les classes me servent de repères chronologiques et culturels.

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Commentaires
E
Je ne connais pas Clifton, je chercherai à la bibliothèque.<br /> Et le premier prof qui m'a donné envie de lire, c'est mon prof de philo...<br /> Mais Eugénie Grandet indigeste en 4ème, le Club des Cinq et les gros albums Spirou, nous avons ça en commun !
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V
Oui, je sais qu'il doit y avoir des oublis, des avis très subjectifs... Mais j'ai pris ce qui me venait directement et j'ai choisi un tri chronologique "scolaire". On peut le prendre par d'autres bouts ! ;-)
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A
c'est intéressant cet aperçu! mais difficile à faire, il me semble... je vais y réfléchir, moi aussi ;-)<br /> et ça risque d'être assez long, comme tartine...
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E
Je relirai et poserai mes questions à mon retour de Normandie. Mais merci !
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