Objet : « Au nom du peuple
français »
Madame le Juge,
Étant donné
que nous n’avons pu nous exprimer lors de l’audience du 13/10/2005-
contrairement à notre ancienne locataire- et parce que nous avions foi en la
justice française, nous avons décidé par la présente de vous dire ce que « le
peuple français » pouvait ressentir suite à une décision de justice.
Cette
missive ne changera rien à la situation, mais je crois qu’il est parfois
nécessaire de redonner un aspect concret
aux cas que vous étudiez.
Mlle X n’a
pas payé les loyers qu’elle nous devait durant quasiment un an. Pendant ce
temps, nous avons dû honorer les traites de notre crédit portant sur le studio
loué, qui s’élevaient à 687€ par mois : cela représente plus de la moitié de mon
salaire.
Par
ailleurs, nous avons avancé la somme de 800 € afin de procéder
honnêtement et de passer par la justice pour résoudre le différend qui
nous opposait à notre locataire. Sans compter, bien évidemment, les autres
factures et les frais de la vie courante. Nous vivons dans un immeuble régi par
la loi de 1948, au sixième étage sans ascenseur, avec WC sur le palier, et une
cage d’escaliers qui tombe en ruines.
Nous nous
interrogeons donc quant à savoir pourquoi le principe d’équité mentionné dans
votre jugement n’a été appliqué qu’à notre locataire…
Cette
dernière s’est gaussé pendant des mois et n’a jamais failli dans ses mensonges et
ses promesses non tenues. Je pense qu’elle a bien ri à la lecture de votre
jugement, puisque les sommes demandées ont été divisées par deux, qu’elle a eu
un délai de deux ans pour nous rembourser, et que sa mère, qui était caution
solidaire, n’a rien à payer pour l’instant.
Nous tenons
à vous signaler qu’à ce jour, Mlle X n’a pas payé la première mensualité de sa
dette, et que nous devons payer une fois de plus des huissiers à hauteur de 250
€ afin de lui « signifier » le jugement (en recevoir une copie n’est sans doute
pas assez clair), et effectuer une saisie sur ses biens (sans être sûres de
toucher quoi que ce fût)…
Notre
ancienne locataire, qui est la mauvaise foi incarnée, poursuit donc sa voie dans
le « j’en-foutisme » absolu (pardonnez cet écart de langage, mais je ne trouve
rien de plus adapté à cette « demoiselle »). Je vous signale pour information
qu’elle n’a jamais daigné aller chercher un de nos nombreux recommandés (de 4.50
€ pour notre poche à chaque fois), ne répondait jamais à nos coups de fil, et
n’a cessé de nous promettre monts et merveilles dans de multiples mensonges
pendant des mois… Encore mieux : elle a eu le culot de le faire une dernière
fois à la sortie de votre Tribunal !
Par
ailleurs, X et moi-même avons respectivement une Maîtrise de Droit et une de
Lettres. Pourtant, malgré nos études, nous n’avons pas appris l’art de la
divination : comment savoir que l’échéance débute après la signification du
jugement, c’est-à-dire après avoir encore payé la justice française pour
signaler à notre ancienne locataire qu’elle était condamnée ? Nos huissiers ont
même haussé les épaules et se sont abstenus de répondre, considérant ce point
aussi absurde que tant d’autres.
Notre bilan
de cette affaire est simple : notre écoeurement est à son comble; nous nous
demandons à quoi cela nous a servi d’être honnêtes, puisque les gens qui ne le
sont pas s’en sortent mieux ; nous hésitons aujourd’hui à payer nos loyers étant
donné le peu de risques que cela entraîne et les économies substantielles que
nous pourrions faire (cela nous aiderait à payer notre crédit immobilier et les
huissiers) ; nous ne croyons plus en la justice française qui semble
condescendante avec les chouineurs, et aveugle avec les honnêtes gens (je vous
renvoie d’ailleurs à la définition de cet adjectif dans le Robert) ; enfin, en
tant que propriétaires, nous avons eu un mal fou à relouer notre studio tant
notre confiance a été flouée ces derniers mois.
Certes,
cette affaire doit vous paraître bien ridicule et impropre à tant
d’épanchements, mais elle a failli nous faire passer du côté des interdits
bancaires, nous, les petits propriétaires avec une morale, l'agent bancaire, et
la fonctionnaire de l’Education Nationale…
Veuillez
recevoir, malgré tout, Madame le juge, nos salutations distinguées.