Bagages à main, enclume au coeur
"L'amour, c'est offrir à quelqu'un qui n'en veut pas quelque chose que l'on n'a pas.» Jacques Lacan
Fuir n'est jamais la solution : on emporte avec toi ses problèmes et ses angoisses. D'ailleurs, ils pèsent lourd dans nos bagages.
J'ai cherché le bonheur, crû le trouver; il s'est évaporé. Aujourd'hui, je me dis que j'ai mal agi avec S., avec la Fée, avec moi-même surtout, peut-être.
Je me referme telle une huître, et j'enfouis loin ma perle.
J'ai tout pour aller bien sur un plan matériel, la santé n'est pas un souci hormis mon surpoids, et pourtant je me sens démesurément seule, abandonnée, en souffrance...
Je me suis abandonnée certainement il y a longtemps. Ou plutôt : "on" m'a abandonnée il y a longtemps. Le psy me l'avait bien dit : "Vous attendez, vous espérez quelque chose qui ne viendra jamais. Vous serez toujours le moteur, le déclencheur des actions, alors que l'autre est passif."
L'autre.
Celui qui , dans mon inconscient, m'a laissée alors que je n'avais pas deux ans. Celui qui, en faisant cela, m'a tatouée un "Je ne vaux rien" que je ne peux effacer. Celui qui a renoncé à son nom, que j'ai gardé jusqu'à mes six ans sans le savoir vraiment, en le sachant un peu.
Celui qui me lit sans réagir aux pires moments de ma vie : la séparation avec S., ma dépression, mon déménagement... Je l'aurais sans doute envoyé dans les pelotes, mais au moins il aurait essayé.
Je suis fatiguée de lutter, de m'imposer, de chercher à me trouver une certaine valeur au quotidien, qui justifierait mon existence. Je suis fatiguée de m'interroger sur l'amour ou l'intérêt que l'on me porte -et qui m'étonnent toujours. Je suis fatiguée de me réfugier dans la nourriture, sans pour autant être boulimique, mais l'image que je me renvoie correspond tellement mieux à ce que j'estime être...
Mon père, celui qui m'a donné son nom et tout ce qui va avec, n'a pas eu le temps de me rassurer un peu. De me dire qu'il était fier. Comme un paon. Je l'ai su des années après sa mort. Trop tard.
Je cherche souvent sa voix. Peur de l'oublier.
Je suis si fatiguée, depuis si longtemps...