J'ai pris conscience aujourd'hui que je m'étais endurcie, malgré ce que je peux en dire. En effet, je pense parfois être plus sensible à certaines choses qu'auparavant, et pleurer plus aisément.
Pourtant, la vue de ma grand-mère maternelle dans un piteux état n'a pas provoqué le moindre épanchement de ma part. D'aucuns diraient que je dois en avoir honte, parce que c'est ma grand-mère, que c'est une vieille femme, etc. Je suis triste car elle semble souffrir et qu'une fin de vie pareille, je ne la souhaite à personne. Mais je me sens très détachée de cette femme sans tendresse, sans amour, qui n'a jamais reconnu ma mère dans ses efforts et l'a toujours dénigrée.
Les gênes ne forcent pas l'amour. C'est valable pour elle comme pour moi.
Je la vois donc dans cette maison de retraite -la même que celle dans laquelle la Reine, mon autre grand-mère, est décédée-, réduite à porter des couches, pliée en deux, pas loin d'avoir des escarres, délirant sur des gens du passé, et je sais cependant que je ne verserai pas une larme quand elle mourra...Sauf pour ma mère, si je la vois mal.
Je dois avoir l'air extrêmement froide et détachée, j'en ai conscience. Mais ma seule famille, c'est ma mère, aujourd'hui : mon père et mes grands-parents paternels sont morts, la famille de S. que j'ai volontairement quittée et qui m'avait "adoptée" n'a plus lieu d'être, mon géniteur fait comme si je n'existais pas, et j'ai une vie sentimentale plutôt solitaire...
Ne croyez pas que je dise tout cela avec force déprime ou tristesse. Juste du détachement. Ou une certaine forme de conscience accrue, proche de l'analyse clinique.
Je m'en serais bien passée, pourtant.