Dans la voiture, vers 8h.
Il y a eu la mort de mon père, évidemment. Et tes mains dans les miennes; seules ancres qui me retenaient du vide absolu de la douleur.
Il y a eu la khâgne, durant laquelle quasiment personne n'a voulu entendre mes appels au secours. Dépression, paraît-il. L'ombre qui était moi-même te cherchait.
Il y a eu la Fac insipide et anonyme, que j'ai traversée parce qu'il le fallait bien. Les échecs que je provoquais, seule. Seule.
Il y a eu les petits boulots insipides et absurdes, pour payer les factures. Mais je n'étais plus seule. J'ai eu peur d'enseigner, peur d'être mauvaise, certaine d'être toujours en-deça de mes modèles. Toi.
Il y a eu mes premiers remplacements où je me sentais si bien. Je cherchais à te ressembler en cours, sans le savoir.
Il y a eu le CAPES, décroché par hasard. Et je le dédiai à tous mes absents, morts ou vivants.
Il y a eu la mort de ma grand-mère, celle en qui je voyais encore mon père. Celle qui m'a attendue pour mourir, juste après mon retour de vacances. Et les vivants se terrent dans le silence.
Il y a le bénévolat. Je cherche, encore et toujours, une utilité, une reconnaissance. Celle de mes absents.
Il y a les élèves inatteignables et violents. Et je me dis que tu aurais la solution. Les réponses à mes questions.
Il y a ces espoirs sans noms auxquels je me raccrocherai systématiquement, car je crois en cela. L'humain. Malgré tout.