L'administration, soi disant débordée ce matin ("J'ai des choses plus importantes à faire"...), m'a renvoyée du bureau avec un n° de téléphone de la DGE5, afin que je me débrouille à propos de mon tutorat.

Car, jeune plante que je suis, j'ai besoin d'un tuteur, même si j'ai déjà enseigné.

J'ai donc passé environ 15 coups de fil et essuyé 14 échecs (Rectorat DGE5, IPR 92, re-Rectorat, puis annexe de celui-ci, et enfin section de formation continue) avant que l'on me dise : "Aucun tutorat n'a été validé en Lettres. C'est normal".

Ah ? Etrange, quand on sait que l'IPR de mathématiques ("Ils sont sérieux, en math, dans le 92. Mais en Lettres, c'est autre chose...", dixit le secrétariat du collège) a déjà envoyé ses stagiaires à deux réunions, avec leurs tuteurs...

Et après on s'étonnera que les littéraires aient une réputation de "doux rêveurs".

Questions du jour :

1)

_ Madame, quand vous mettez sur ma copie "Bravo ! Continuez dans cette voie"...

_ Oui ?

_ C'est ironique ? Ma mère m'a demandé ça.

Précision : cet élève a eu 32/40 à sa dictée.

2)

_ Madame, je ne comprends pas : on m'avait dit qu'une bonne rédaction valait 13 ou 14 maximum.

_ Et vous voudriez que je vous retire des points, c'est ça ?

Cet élève-là a eu 17/20 à sa rédaction.

Ni mes collègues, ni moi ne comprenons ces remarques. C'est le monde à l'envers ! Je vais finir par me contenter du strict minimum en commentaire sur les copies : passable, correct, très bien...

Je gagnerai du temps, au moins.

J'ai réalisé en faisant cours tout à l'heure que nos actuels "salons" pour chatter venaient certainement des anciens salons littéraires des XVIIIème et XIXème siècles...

Et si l'on boucle la boucle, les forums sont antiques. Drôle d'évolution...

"Le progrès technique est comme une hache qu'on aurait mise dans les mains d'un psychopathe", a dit Einstein. Et il savait de quoi il parlait.

C'est fou ce que je suis branchée astrophysicien, aujourd'hui, moi !

Je reviens d'une soirée fort agréable, même si je n'avais pas envie de sortir initialement : je venais de corriger environ 25 copies, et mon enthousiasme était retombé comme un soufflé.

Me voici partie en vadrouille pour Opéra. Séance de 17h40; pas trop de monde, sauf des petits vieux un peu sourds, demandant de temps à autre : "Mékeskidiiiiiiiii ?"

Le film de Jaoui est une réussite, tout comme "Le goût des autres". Répliques cinglantes, pleines de vérité, qui me font penser à l'écriture de Sarraute.

Cruauté de notre monde moderne; absurdité aussi; les hommes et les femmes qui ne parviennent pas à se comprendre...

Et puis Bacri, toujours aussi convaincant et expressif, et Jaoui qui oscille entre la femme banale que nous sommes et la femme sublime que nous aimerions être...

"Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien et de personne, alors, c'est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie."

PLATON

Il ne me reste que quarante minutes avant de partir au collège... J'ai préparé plusieurs polycopiés, dont une rédaction surprise pour les 3ème. J'hésite à la faire, sachant que les corrections suivent automatiquement...

Il y a environ une semaine, je suis tombée sur une citation de Jules Renard, dans Télérama :

"Il n'y a pas d'amis; il y a des moments d'amitié".

Je la trouve très juste. Mais comme toutes les citations qui me plaisent, celle-ci n'aura qu'un temps... Du moins je l'espère.

Sagan est morte. Une tête pensante de moins. Un repère intellectuel qui s'efface, avec son lot de scandales et de vitesse. Qui retiendra vraiment autre chose de cette femme que le plus croustillant ?

Que créer après plus de vingt siècles d'art ? Qui prétenderais-je être pour oser prendre la plume après tous ceux que j'ai lus et qui me transportent ?

Je dois me remettre au Mail Art (Art Postal, for people who don't speak english). La place me manque dans mon appartement, mais peut-être aussi dans ma tête...

Les copies s'amassent sur mon bureau... En bonne jeune prof consciencieuse, j'ai donné des rédactions et des dictées à mes chers angelots. Bilan : environ 200 copies à corriger.

Il paraît que ce métier est une vocation.

Non, c'est vrai ?

Ouhlala, je dois aller à mon entraînement de tir, moi ! Si je veux faire les JO de Pékin, faut que je m'active ! 

En quelques mots...

Enseignante titulaire depuis peu, je me suis assez vite aperçue que c'était le seul métier que j'étais capable de faire, et de supporter pendant quarante ans, puisqu'à ce rythme je ferai cours à soixante-dix ans, avec canne et dentier...

Un curriculum vitae ?

Elève sérieuse (trop), pas particulièrement brillante mais passionnée. Bac littéraire, classes préparatoires (hypokhâgne et khâgne, arghhh), Fac de Nanterre jusqu'en Maîtrise (sujet de mémoire alambiqué : "L'influence des auteurs polonais exilés en France au XIXème siècle"... No comment, please), préparation au Capes et à l'Agrégation à la Sorbonne, avec un boulon qui saute en milieu d'année.

Now

Bilan des courses : deux ou trois ans de boulots plus ou moins "épanouissants" : bibliothécaire dans les CE des aéroports de Paris et à Nogent, agent d'accueil à la Tour Eiffel (le 7ème ciel !), remplaçante à la Fnac des Ternes, et pour finir hôtesse d'accueil "volante"...
Là, en répondant pour la énième fois au téléphone, je me suis dit que quelque chose clochait. J'ai donc posé ma démission, et j'ai fait des remplacements en tant que vacataire ou contractuelle en Lettres.
J'avais enfin décidé de passer le pas et de revenir à mes premières et uniques amours.
Aujourd'hui titulaire, je fais enfin ce que j'aime avec la sécurité de l'emploi en bonus, et je fais tout mon possible pour le faire bien, même si je râle souvent...