9h25
Besoin d'écrire ma douleur ce soir : mes sept heures au lycée m'en empêchent.
Je voudrais savoir si elle a mal, au moins. Je voudrais qu'elle soit mal.
Aujourd'hui, c'est plus difficile de tenir.
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Voici le soir venu. La journée, fort remplie par les cours et une sortie scolaire, m'a permis de "tenir". Tenir quoi, tenir à rien, tenir à un fil.
Hier, c'était la colère qui dominait. Un sentiment dur, féroce, qui me donnait envie de la bousculer, celle qui m'a refusé la vie à deux, l'engagement, le couple. J'ai résisté à l'envie irrépressible de lui envoyer deux sms : l'un avec une photo d'un nounours aussi vieux que moi, usé, aux yeux tristes; l'autre avec une citation de Brecht (merci CPE) : "Ceux qui se battent ne savent pas s'ils gagneront, ceux qui ne se battent pas ont déjà perdu".
J'ai résisté, et j'ai plongé dans un sommeil agité, comme les nuits précédentes.
Au matin, j'ai vite compris que le moral était bas, et qu'il débarquait de la sorte sans prévenir. Un intrus dans ma vie qui n'allait pas si mal, il y a peu. Car il y a peu, j'entendais des envies de m'offrir une bague, j'entendais des "nous retournerons en baie de Somme", je lisais des promesses de cours de ski de fond, mais aussi "je ne veux jamais te voir souffrir ou te faire souffrir, jamais !". S'agissait-il de phrases incantatoires pour lutter contre ce qui s'échafaudait déjà, consciemment ou non ? Je ne le saurai sans doute jamais. Le femme que j'ai quittée lundi n'était plus celle que j'avais connue : une étrangère mettant à distance tout ce que nous avions vécu, de façon infâme.
Et tout cela alimente ma colère : j'aurais eu évidemment mal de l'entendre me dire que notre couple ne lui convenait pas et qu'elle avait fait une rencontre (j'exècre toujours autant l'autre, d'ailleurs) mais au moins les mensonges par omission, les détours, la balade de quasi trois semaines dans le flou m'auraient été épargnés. J'aurais détesté l'autre, j'aurais pleuré, je n'aurais pas été niée, pourtant. Là, je reste sur cette lamentable tentative de la part de Flûtine de parler de nous comme d'amies et de tâcher de m'en convaincre -je n'ai jamais cédé et ne cèderai jamais sur cette absurdité. Notre histoire semblait effacée, réinterprétée (par le regard de l'autre qui aurait orienté Flûtine, perdue ?). C'est cela que je ne peux supporter.
Et je reste sur cette dernière impression, et sur la lâcheté de Flûtine, et son silence depuis lundi : pas un signe qui pourrait me dire qu'elle s'en veut, qu'elle a mal, qu'elle regrette sa façon de faire, ou n'importe quelle autre marque de sa torture mentale. Car oui, je me raccroche à cette possibilité qu'elle souffre : l'imaginer gambadant déjà au bras de l'autre, l'accompagnant de son rire cristallin, accueillant cette intimité aisément, je ne peux l'envisager, même si cela reste une possibilité.
Au matin, donc, j'ai senti le moral fort bas, et bien vite j'ai trouvé le sujet précis qui alimentait ma douleur matinale. Flûtine, après des années d'arrêt, reprenait tranquillement son instrument de musique. Cela est/était fondamental pour moi. C'est une partie d'elle qui me fascinait totalement, et me rendait folle amoureuse. Elle jouait juste pour elle-même, retrouvant des sensations à la flûte.
Et ce matin, au réveil, au-dessus de mon café, en me préparant, sur le chemin en voiture, sur le parking du lycée, je n'avais que cela en tête : ce n'est pas moi qui l'entendrai en premier, ce n'est pas moi qui aurai ce privilège, ce n'est pas moi qui la regarderai avec passion jouer, ce n'est pas moi qui l'entendrai en live et non sur enregistrement. Et cette pensée, même si cela peut vous paraître étrange, me perturbe autant, et me rend autant malade que l'idée d'une autre qui l'embrasse, la caresse, la touche.