Lesbophobie, une intolérance qui ne fait pas de bruit
Discriminations. La journée mondiale contre l’homophobie a lieu demain.
MARIE-JOËLLE GROS
QUOTIDIEN : vendredi 16 mai 2008
«Lesbophobie» reste un mot absent des dictionnaires. Pourtant, on parle
souvent mal des lesbiennes, quand on en parle. Beaucoup restent
invisibles. Même dans la communauté homo, elles sont reléguées au
second plan, derrière les gays. Etre femme et homosexuelle, est-ce une
double discrimination ?
Sur la ligne d’écoute téléphonique de SOS Homophobie, les femmes
témoignent beaucoup moins que les hommes - un appel sur cinq en
moyenne. La lesbophobie serait-elle anecdotique ? L’association a
souhaité prendre la mesure d’un phénomène qui mêle homophobie et
sexisme, souvent à bas bruit. Son «enquête sur la lesbophobie»,
rendue publique aujourd’hui
, est une première. Il existe aussi très peu d’études sur les lesbiennes.
Un questionnaire a été diffusé à travers divers canaux (salon
Rainbow, festival de cinéma lesbien, presse, sites Internet, etc.). A
l’arrivée, 1 793 questionnaires, remplis par des femmes assez jeunes
(neuf sur dix ont entre 18 et 49 ans), vivant majoritairement en
Ile-de-France (61 %), et souvent en couple (60 %). La lesbophobie n’y
apparaît pas comme un mot vide de sens : 57 % des sondées l’ont déjà
subie. Le plus souvent dans la famille (44 %), mais aussi parmi un
groupe d’amis (24 %) ou au travail (24 %).
«Quand est-ce que tu te maries ?»
En famille, les mères, surtout, semblent avoir d’immenses
difficultés à admettre l’orientation sexuelle de leur fille, les pères
arrivant en seconde position. Peut-être parce que c’est à leurs mères
que les filles révèlent en premier leur homosexualité. «J’espère que tu ne deviendras jamais homosexuelle»
, invite celle-ci, en voyant que son ado collectionne
exclusivement les posters d’actrices et de chanteuses : aucun homme sur
les murs de sa chambre.
Faux-amis
Près d’un quart des femmes sondées ont raconté l’incompréhension de
leurs ami(e)s, ainsi qu’une forme de rejet. Etonnant : les copains, des
gens qu’on a choisis, paraissent a priori plus ouverts que la famille.
Découvrir qu’ils ne peuvent concevoir une sexualité différente de la
leur fait d’autant plus mal. Ainsi ce témoignage, livré avec un
questionnaire : «Ma meilleure amie a prononcé ces mots : "j’ai horreur des lesbiennes".»
Curiosité urbaine
Dans la vie quotidienne, des lesbiennes font parfois l’attraction. «Etre filmée dans la rue parce que j’embrasse une fille, ça donne vraiment l’impression d’être une bête de foire»,
témoigne l’une d’elle. La rue reste essentiellement le lieu de toutes
les insultes et provocations, suivie des transports. Souvent, c’est le
couple lesbien qui attire l’attention : parce que les femmes se
tiennent par la main, ou s’enlacent. Dans l’étude, celles qui souffrent
de ces situations ont souvent moins de 25 ans, et sont parisiennes.
Pourquoi ? A Paris, elles se sentent peut-être plus libres de leurs
gestes sans choquer. Peut-être aussi parce que ceux qui s’en prennent à
elles se savent, eux aussi, anonymes dans la ville.
Placards à «goudous»
Rumeurs, moqueries mais aussi refus de promotion et mise au placard.
Au travail, les lesbiennes qui ne jouent pas sur le registre de la
séduction entendent parfois parler des autres femmes ainsi : «Elle, c’est une femme. Une vraie».
Que dire au bureau ? «Ce qui m’est le plus difficile, c’est de
devoir simuler une vie hétérosexuelle sur mon lieu de travail : mes
collègues seraient capables de ne plus voir mes compétences, mais
seulement mon orientation sexuelle»
, témoigne l’une des sondées. Et comme il est impossible de tout
cacher (comité d’entreprise, sécurité sociale, etc.), 7 % d’entre elles
ont eu l’agréable surprise de se faire «outer» par un collègue.
Et puis ici, à lire d'urgence : la loi est passée. On peut dorénavant abolir la mixité à l'école...