J'avais déjà du mal avec le fameux débat sur l'identité nationale, aux commentaires ultra modérés.
Mais là, j'ai découvert avec stupeur aujourd'hui ce qu'un député UMP avait osé demander à Marie NDiaye, prix Goncourt 2009 (et au ministre de la culture) : obéir à un droit de réserve parce qu'elle a quitté la France pour aller vivre à Berlin après l'accès à la présidence de N. Sarkozy, qu'elle avait critiqué assez ouvertement mais de façon plutôt feutrée, je trouve.
Les relents nationalistes aux accents pétainistes ou frontistes, l'horreur des termes choisis par ce député, l'image de la France réclamée par ce dernier, et le rétro pédalage absolu d'un gouvernement français à l'égard de ses artistes, me dégoûtent. J'en ai des frissons de peur.
Je ne pensais pas connaître cela de mon vivant. L'artiste, en France, a toujours été auréolé de sa liberté d'expression et n'a jamais eu besoin de justifier ses positions politiques, sauf lorsqu'elles étaient retorses (je pense à Drieu La Rochelle, par exemple, et encore).
Mais des gens comme Zola, Eluard ou Sartre se sont engagés politiquement, sans qu'on vienne leur dire : vous ternissez l'image de la France et vous devez vous taire. Vous devez vous taire...
On a pu leur reprocher leur engagement, mais jamais ces airs de censure ne sont venus taquiner les prix littéraires.
La réponse de Pivot a été magistrale, je trouve : "Le devoir de réserve qu'il [Raoult, député UMP] invoque n'a jamais existé, n'existe pas
et n'existera jamais, pas plus pour le lauréat du prix Goncourt que
pour le lauréat du prix Nobel de littérature".
Et celle de Marie NDiaye sur le président aussi : "Je ne crois jamais qu'un seul homme puisse faire un pays."
Français, tremblez : on marche sur toutes vos valeurs et la censure
s'étend. Après la presse écrite, la télévision, les prix littéraires,
les pancartes lors de manifestations ("Casse-toi pauv' con") ou les petites phrases aux airs
innocents ("Sarkozy, je te vois !"), quoi d'autre ?
Edit du jeudi matin 8h15 : Marie NDiaye maintient ses propos, suite à la découverte de ceux d'Eric Raoult. C'est beau, quelqu'un d'engagé.
Edit de 9h30 : Et le ministre de la culture, qui s'était pourtant prononcé aussi sec sur l'affaire Polanski, décide qu'il n'a pas à se prononcer dans ce cas... Son oncle doit se retourner dans sa tombe.