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Prof et plus si affinités
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Prof et plus si affinités
13 octobre 2011

Aux poubelles, citoyens !

sac-poubelle-poissons-rouges-chocolat

En dehors de débats politiques télévisés qui n'en sont guère, en dehors de propos aberrants entendus à la radio ce matin ("NS a sauvé le monde économique"), en dehors d'une naissance qui tombera fort certainement au moment du deuxième tour des primaires, on n'entend pas parler de ce qui se passe dans certains établissements, dont le mien.

Depuis mardi, des élèves et des personnes extérieures au lycée bloquent l'accès aux bâtiments, brûlent des poubelles en y jetant des déodorants et des fumigènes, jettent des oeufs sur les profs qui tentent d'apaiser les choses et de discuter, balancent des tracts aberrants et illogiques, se font bousculer méchamment par les CRS (oui, pas la police municipale) et créent un climat délétère de violence (paradoxal, je sais). Ils se filment, par ailleurs, pour montrer leurs exploits sur fessebouc.

Le lycée a été fermé ce matin à 10h30, hier à midi. Les DST de samedi matin sont annulés. Pour demain, grosse interrogation, mais on nous a annoncé que s'il y avait encore blocus, on fermera l'établissement dès 8h.

L'objectif des "manifestants" est d'atteindre le seuil du 22 octobre, et de reproduire le schéma de l'an dernier : ne pas travailler pendant quinze jours, avant les vacances de la Toussaint.

Nous n'en rions pas, et nous n'en pleurons pas non plus. C'est surtout lassant, assez inquiétant pour de multiples raisons, et anti démocratique de ne pas laisser travailler ceux qui le veulent, et de dégrader les bâtiments. L'un de mes élèves de l'an dernier est dans les meneurs, et semble devenir abruti par ce "pouvoir". Il est aujourd'hui en première S, et menace les profs avec des fumigènes sous leur nez...

Et puis ce soir aux actualités, on apprend qu'une prof d'une quarantaine d'années s'est immolée en pleine cour de son lycée. Son geste est sans doute à la hauteur de son désespoir. Aussi fragile fut-elle, elle est une manifestation violente du fameux malaise enseignant dont on se gausse, bien souvent.

Aujourd'hui, il y avait aussi une cérémonie funèbre pour une collègue qui s'est battue pendant quatre ans environ contre un cancer. Je ne l'ai pas connue, mais Asa et Tinette m'en parlaient souvent. Alors se projeter dans cette situation d'enterrer un(e) collègue/ami(e), et voir ses propres amies meurtries, ça remue.

Une drôle d'ambiance, en ce moment, au lycée.

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8 septembre 2011

Taquiner le nez du dragon : loc. pousser quelqu'un dans ses retranchements. Par ext. agacer.

Punaise, j'avais oublié à quel point je dépensais de l'énergie en faisant cours ! J'ai eu cinq heures de secondes aujourd'hui, dont quatre d'affilée. Il faut dire que j'ai commencé sur les chapeaux de roue, pour leur faire comprendre que ça-n'allait-pas-rigoler-hein. Enfin, je schématise.

Ils ont un peu halluciné quand même, je crois. Je me demande parfois si je n'ai pas la capacité de les "captiver" en les effrayant en même temps. Une sorte de monstre pédagogique, quoi.

En tout cas, ce soir, je suis crevée. J'ai corrigé soixante tests de connaissances littéraires, ce qui n'a pas aidé. Là, je meurs de faim.

Le plus étonnant, dans tout cela, c'est que malgré le torchon qui brûle en salle des profs, malgré le manque de moyens, malgré la désorganisation quasi programmée de cette rentrée, et malgré l'incompétence des chefs, tous les professeurs de seconde ont la même perception des élèves : ils ont l'air "normaux", gentils, et ils écoutent -pour l'instant. Il y a même une humeur relativement légère entre profs : on s'entraide, on se donne des infos, et on rit de ce qui ne tourne pas rond. Cela n'empêche pas de faire certains constats affligeants, évidemment, mais je me dis que nous avons de sacrées ressources pour tenir le coup.

profs remplaçants

Dans nos dernières inventions, nous avons créé le CEDTP : le club des emplois du temps pourris. C'est sans doute idiot, mais ça nous amuse. Cet acronyme est à lire très vite, comme une mitraillette. Il devrait y avoir pas mal de membres : je n'entends aucun collègue dire que l'un de ses voeux a été respecté, et j'en entends beaucoup découvrir des changements sans avoir rien demandé.

Demain, huit heures de présence et six heures de cours. Well done, monsieur l'adjoint !

6 septembre 2011

Se méfier du vent : loc. Se dit de discours creux, finalement pernicieux.

Sentant la rentrée chaotique dans mon LycéeDésiré, je laisse le vent souffler, et j'en oublie de venir ici. Je ressens comme un changement de ton de la direction, qui opte pour langue de bois & consorts, fait preuve de mauvaise foi et semble dépassée dès septembre. Des collègues se tirent dans les pattes, ou plutôt : l'Education nationale parvient à ses fins en nous montant les uns contre les autres.

prof croco

J'ai découvert la classe de première dont je suis PP hier, et il n'y a rien d'alarmant à signaler pour l'instant. Je me suis juste sentie bête au moment où je n'ai pu leur dire qui aurait quoi comme cours jeudi matin : certaines informations manquaient sur l'emploi du temps. Ça fait sérieux.

Je suis à peu près prête pour la rentrée, même si je dois encore remplir mon joli cahier de texte personnel puisque j'ai enfin un emploi du temps "fixe". Il est assez pitoyable, mais je ferai avec. Je travaille du mardi au vendredi, pour 20 heures de cours. Demain matin, énième réunion inutile, au cours de laquelle je lutterai contre le brouhaha ambiant.

A part ça, je réfléchis à des solutions pour ma voiture, dont le contrat de leasing s'achève début octobre : dois-je en reprendre une ? la rendre au concessionnaire ? chercher une occasion de ce fait, ou bien renoncer à une voiture tout court ? Mon esprit se situe donc au niveau des pneus.

Mais pas que.

J'ai de grandes envies de spectacles, de sorties culturelles, d'expositions. J'ai déjà repéré des choses... Je vous en reparlerai. On finit en musique ?

PS : toujours pas d'amateur pour Almodovar... Révélateur ? Lisez mon blog-it express dans la colonne de droite si vous ignorez de quoi je parle.

22 juin 2011

Des chiffres et des lettres

53 candidats à l'oral à partir de demain.

56 copies de ES/S. Avec des consignes de correction aberrantes du type : si l'élève n'a pas cité le texte, ce n'est pas grave, du moment qu'il semble l'avoir compris...

1h30 x 2 : le temps moyen que je vais mettre pour faire 35km x 2 tous les jours d'examen.

5h15 : l'heure du lever pendant 5 jours.

40€ : tous mes produits frais et les fruits et légumes, achetés dans une sorte de "braderie verte" que j'ai tentée aujourd'hui. Je compte me faire des paniers repas maison pendant le bac, car l'EN ne nous rembourse rien.

2 sacs pleins pour vider mon casier.

4 élèves passés "à la feuille" alors qu'ils auraient dû redoubler. Je l'ai appris cet après-midi. Pas envie de connaitre les noms des maheureux élus.

15€ : ce que j'ai donné au total pour les différents départs des collègues cette année. Impossible de faire plus.

4 : le nombre de points maximum en guise de sanction pour l'orthographe/la syntaxe sur les copies de Bac. On veut nous obliger à réduire en demandant "10 fautes par feuille" et non par copie. Personne ne s'y pliera dans mon jury.

ortho Pivot dictée

7 descriptifs de Bac, contenant chacun environ 20 textes à travailler. Et donc autant de problématiques à trouver que de candidats.

Vous savez quoi ? Je suis déjà fatiguée par tout cela...

11 juin 2011

La cerise sur le pompon

Après une nuit de presque dix heures et un jogging, je peux tenter de vous raconter ma fin de semaine de dingue. Je vais en oublier, c'est certain.

pompon

Mercredi, cinq heures de cours de seconde, comme d'habitude. Sauf que j'y vais en reculant. Dans la classe européenne, quatre élèves sur 25 (ils sont normalement 30) ont répondu à deux pauvres questions. Je m'agace et passe à autre chose, sans corriger. Ras-le-bol de travailler pour rien.

Ensuite, direction cantine pour manger avant d'aller récupérer mes descriptifs à Trifouillis : une heure pour y aller, quasi autant pour revenir, en pleine journée. Le Bac risque d'être sympathique, cette année.

Jeudi, journée marathon : deux heures de seconde, un conseil de classe de 2h pour "ma"seconde, deux heures de première pour finir au pas de course nos derniers textes de Bac, puis conseil de cette même classe. Comment vous raconter ces deux conseils, justement ? Celui de seconde a été déprimant, car nous avons dit ce que vous voulions dire côté profs. Le bilan est catastrophique, du jamais vu pour les uns et les autres. Un exemple : ils ont 5 de moyenne avec moi. Au final, onze redoublements proposés, huit passage en première, dont trois seulement en générale. Le reste, réorientation.

C'est la douche froide pour la plupart des élèves, mais je ne le saurais que le lendemain... Hier, donc.

A la récréation, mon collègue de math vient me voir et m'annonce, alors qu'il est plutôt mesuré, que les élèves ont été "infects". Ils ont lancé un oeuf au tableau alors qu'il y écrivait, l'une mangeait, deux criaient "Ben Laden ! Ben Laden !" et ceux qui étaient renvoyés de cours refusaient de sortir et ne se levaient pas. Forte de ces annonces, je me dis que leur redonner leurs fiches d'orientation et tout le toutim va être folklorique. J'étais en-deça de la réalité.

J'arrive devant ma salle de classe : ils avaient cassé un oeuf sur la porte, au niveau de la serrure. La CPE, qui me suivait par précaution, cherche une solution rapide. Nous changeons de salle, et les accueillons froidement, le visage dur. Deux élèves, un garçon et une fille, en descendant, arborent une robe de prière pour la mosquée -chose qu'ils n'ont jamais faite. Le garçon est envoyé au proviseur par la CPE. Nous n'entrons pas dans la discussion.

Les élèves installés doivent sortir ce qu'ils ont dans leur sac. S'ils refusent, direction le bureau du proviseur. Entre temps, la CPE a dû partir en courant. J'entends des cris dans le hall d'entrée. Une bagarre avait débuté. L'un de mes élèves est rattrapé par la CPE : on suppose que c'est lui qui a lancé les oeufs. Il est envoyé chez le proviseur, qu'il va ensuite insulter, d'ailleurs.

Une élève refusant de vider son sac, je m'approche, le ton monte : je me fais traiter fort rapidement de "sale vieille prof, "espèce de p..." et autres noms d'oiseaux en arabe, avec le Coran en guise de branche. Je la renvoie et elle me lance, avec beaucoup de raffinement : "J'm'en bats les c....... !"
Etrangement, je vis les choses avec énormément de recul et je lui rétorque : "Cela va être difficile, Baba, puisque vous n'en avez pas."
Vexée et fort énervée, elle tente de claquer la porte, que je retiens. Sa sortie, qu'elle voulait grandiose, s'avère ratée. D'autres collègues vont la rattraper ensuite, et lui donneront la réplique, comme je l'ai fait (nous en avons bien ri, après). J'avais envoyé la déléguée pour l'accompagner, mais j'apprendrai plus tard que cette dernière n'avait jamais atteint le deuxième étage : elle était partie pleurer aux toilettes, traumatisée par des injures de Baba, lancées au matin contre elle...

Entre temps, Kad, un élève qui s'était présenté toute l'année sous des airs bovins, me jette sa fiche d'orientation par terre en répétant de façon maladive : "Je refuse ! J'en veux pas !" Je lui explique qu'il doit régler ça avec son père (il redouble alors qu'il pensait passer en première S, avec 3 de moyenne partout sauf en math...) et qu'il n'a pas l'âge légal pour gérer les papiers. Il s'entête. Je refuse de mon côté de me baisser pour ramasser sa fiche. Je le renvoie (on en est à quatre élèves dehors). Il lance alors des propos incohérents, que des collègues me rapporteront aussi après : "Le lycée est à l'Etat !", "A quoi ça sert 2 en français ?" ou "Tout se paye !"


Enfin, alors que je retrouvais un semblant de calme (après des cris concernant Ben Laden pendant que j'étais sur le seuil de la porte), la fille qui portait sa robe de prière (rose clinquant) cherche à me provoquer, mais j'avais appris dans la semaine que la classe avait cherché à me faire craquer avec les propos racistes d'il y a quinze jours. J'ai donc pris beaucoup de recul. Elle voulait remettre en cause mes capacités d'enseignante : "On n'a rien appris cette année" / "Comment ça se fait qu'on a (sic) cinq de moyenne en français ?", etc. Je suis restée fort calme, ce qui a dû l'agacer au plus haut point, en lui parlant de donner/recevoir et en précisant que l'élève était responsable de son apprentissage.

Les deux CPE ont fait des aller-retour dans la salle pour m'aider, ainsi que des collègues qui ont halluciné de voir tant de haine et de bêtise concentrées dans quelques élèves. Au total, il aura fallu six adultes pour gérer ces 45mn de "cours".

A part ça, l'Education Nationale se porte bien.

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27 mai 2011

Y croire encore

Ce soir, je suis lasse. Pas vraiment désabusée, non. Lasse.
Aujourd'hui, juste avant 11h, j'ai craqué. J'ai tenu bon devant les élèves, et puis j'ai pleuré avant de faire entrer la classe suivante. J'ai pleuré de rage, d'impuissance. Impression de n'avoir rien apporté à ces gamins aux vies lourdes, aux idées étroites.
Nous travaillions sur un texte de Maupassant, "Rose". Et ça a dérapé, sans trop savoir pourquoi : tout est bon pour eux. J'ai supporté vaillamment un concert de propos racistes, antisémites et homophobes de "ma" seconde. Environ une quinzaine d'élèves auxquels je tentais de répondre point par point, que je voulais ramener à un véritable discours cohérent et réfléchi.
En vain.

racisme1

Alors je me suis assise, j'ai pris ma tête entre mes mains, et j'ai attendu quelques instants. Le chaos s'est amoindri. J'ai lancé, d'un ton lugubre et la voix serrée : "Vos propos me donnent envie de vomir. Vomir. Ce n'est pas une métaphore."
J'ai tenté de leur faire comprendre mon sentiment d'échec pédagogique après neuf mois de travail ensemble. De leur montrer que non, on ne peut pas lancer de telles phrases sans penser aux conséquences et sans les assumer. De leur dire que le racisme, tout racisme (même celui que j'ai subi quand j'étais adolescente, le racisme anti-blanc, et auquel ils ne veulent croire) est condamné par la loi et que ce n'est pas qu'une opinion. Que je voudrais les sortir de leur prisme, ou plutôt leur montrer qu'il y a des centaines de prismes possibles pour regarder le monde. J'avais la gorge serrée. Ils l'ont senti : quand la sonnerie a retenti, ils n'ont pas osé bouger.
D'un geste vague de la main, j'ai murmuré "Sortez..." Une petite élève toute gentille a trainé volontairement pour être la dernière : "... ça va aller, madame ?"
C'est à ce moment-là qu'une boule de larmes est remontée. J'ai fait un signe et opiné pour qu'elle s'en aille, mais elle a bien compris. J'ai tourné la tête à l'opposé de la porte, et j'ai pleuré.
Il a bien fallu enchainer avec un cours de première. Une heure plus tard, j'étais à la cantine avec des collègues, pleurant encore. Heureusement, j'ai la chance d'être dans un établissement où je peux me permettre cela sans être jugée, au contraire. Ils me soutenaient tous, et tentaient de me faire prendre du recul. Nous sommes impuissants face aux difficultés que nous rencontrons.

Ce soir, je suis lasse. Mais pas découragée. Je continuerai à me battre contre toutes les formes d'intolérance en cours. Mais diable, quelle énergie cela prend...

patate_prof

18 mai 2011

Et la choucroute, dans tout ça ?

Comme j'ai la tête occupée par autre chose aujourd'hui, je vous livre juste l'objet de mon inquiétude professionnelle et de mon désespoir, après huit mois de travail en seconde.

choucroute

Hier, je leur parle de la catharsis, de l'inconscient, tout ça. J'évoque juste Freud.

Aujourd'hui, je leur demande le nom de cet homme qui a théorisé l'inconscient, qui y a réfléchi. Néant. je les aide un peu : "Il est connu par tout le monde même si vous en l'avez pas lu. Je vous en ai parlé il y a moins de 24 heures. Il est Autrichien, du début du XXème siècle."

Et là, fuse une première réponse alors que je me tournais vers le tableau : "Mozart !"

Lasse, j'explique à cet élève que non, ça n'a aucun rapport. "Ouais mais des Autrichiens, on en connait pas beaucoup !" Je renchéris en disant que le but n'est pas d'appuyer sur un buzzer et de réagir au moindre mot : il faut cumuler les informations, et faire des croisements. Je réitère donc ma question du "qui est-ce ?".
Et, pour m'achever, un grand niais qui a régressé lance à la cantonnade, fier de lui : "Hitler !"
Je lui demande de me rassurer et de me dire qu'il l'a fait exprès. Mais non, pour lui, c'était une "vraie" réponse. Là, j'ai comme qui dirait "craqué".

"Mais enfin, quel est le rapport avec la choucroute ? Je vous ai parlé du génocide juif ? De celui des homosexuels ? De la seconde guerre mondiale ? On étudie la tragédie au XVIIème siècle ! Réveillez-vous ! A votre place, j'aurais envie de creuser un trou et de m'y cacher, là, au lieu de rire. On en est là au bout de huit mois de travail ? On n'est pas à un jeu télé, bon sang !"

Je le reconnais, je suis peut-être allée un peu loin. Mais nous sommes à bout, en ce moment. A bout de forces, surtout. Et puis à bout de patience. Je ne sais pas si c'est la même chose dans tous les établissements de France et de Navarre, remarquez...

PS : lors d'un voyage en Angleterre récent, Nono, l'un de mes "cas difficiles" comme on dit poliment, a répondu au guide ceci :

"Dans quelle ville les rois de France étaient-ils sacrés ? -> "Roissy !"

"Non, c'est une ville célèbre pour son champagne..." -> "Champigny !"

Et d'accompagner ses réponses d'un geste victorieux et satisfait, car il était convaincu d'être pertinent.

Et devant la statue de Churchill, on leur demande qui est ce personnage anglais célèbre et influent : "Quasimodo ! "

 

 

10 mai 2011

Boulbanguer : être retourné(e) par une rencontre / croire à nouveau en quelque chose

En ce moment, les profs principaux courent après le temps. C'est la première vague des réorientations, et l'académie réduit à une peau de chagrin nos possibilités. De fait, les PP de seconde sont à cran. La semaine dernière, j'ai même cédé à la colère -ce qui n'est pas mon genre- lors d'une réunion d'urgence sur ces nouveaux délais : le proviseur n'a même pas rugi quand j'ai dit, la voix étranglée : "On nous demande d'accomplir en moins d'une semaine des miracles alors que l'on cherche à voir certains parents depuis huit mois ! Je vais bientôt me faire canoniser et je serai une sainte ! C'est aberrant ! On fait quoi, depuis septembre, selon vous ?"

En bref, tout le monde est à fleur de peau, et ça part à vau-l'eau.

Sauf que. Sauf que je viens d'avoir une maman au téléphone, et qu'elle m'a retournée. Je m'en voulais de ne pas l'avoir appelée avant, et je pensais me faire remonter les bretelles. Et elle commence par : "Vous êtes une femme formidable. Mon fils vous aime beaucoup." Je souris à l'autre bout du fil, de ce fils si discret en cours qui voulait absolument que ce soit moi qui aie sa mère au téléphone, et non mon collègue de sport co PP.
Sauf que j'apprends la situation de la mère, rongée par la culpabilité d'avoir vu son fils partir en seconde générale alors qu'il avait un projet professionnel.
Sauf qu'elle ne pouvait rien faire à ce moment-là pour l'aider : elle a enterré son fils ainé et lutte contre un cancer de la tyrrhoïde. Et qu'à l'époque, en fin de troisième, elle "était sur le billard", comme elle dit. Sa fille, doctorante en droit, s'est occupée de tout.
Sauf que le rectorat a pris le troisième voeu du gamin, le plus simple, par sectorisation, et n'a pas choisi son premier voeu professionnel.
Sauf que la mère est partie en clinique pour soins intensifs pendant des mois. Et qu'elle subit encore de la chimio. Et qu'elle pleurait au téléphone de vouloir "sauver" son petit dernier, avant la date "anniversaire" de la mort de l'ainé. Peut-être même avant de mourir.
Je voudrais vraiment l'aider. Je ferai mon possible, en espérant que la machine administrative ne broie pas cet élève. Je vois sa mère mardi prochain. Elle veut me faire une assiette de gâteaux :"C'est tout ce que je peux vous offrir pour vous remercier, laissez-moi faire ça !" Même si je lui dis que je prône la prudence, qu'on pourrait manger les gâteaux après l'affectation de son fils dans l'école qu'il veut. "Non, madame, vous êtes là pour aider mon fils, et c'est tout ce qui compte. Après, ça passe ou ça casse. Mais je veux vous offrir des gâteaux. La cuisine, c'est tout ce que je peux faire..."

 

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Ce coup de fil m'a redonné l'envie de me battre, et m'a donné l'illusion d'être un peu utile et reconnue. Si cet élève a son école, mon année aura été sauvée. Cela peut paraitre excessif, mais face au marasme restant, je vous assure que cette femme a illuminé ma journée. Plus encore.

Je vous laisse : j'ai une lettre de recommandation à faire.

 

PS : j'ai aussi pu discuter avec celle qui m'avait "agressée" sur le Coran, fort calmement. Et ça m'a fait du bien. Et je le lui ai dit.

26 avril 2011

C'est en prose ou en vers, votre affaire ?

citron_vert_

Pour ma reprise, l'un des élèves de seconde a fait très fort.
J'entamais aujourd'hui une nouvelle séquence, sur le théâtre et surtout sur la comédie. Corpus sur Molière, avec une biographie, une présentation du genre au XVIIème siècle. Nous arrivons à la disctinction prose/poésie.

_ Selon vous, parmi les trois grands dramaturges du siècle, lequel ou lesquels a/ont écrit en vers leurs pièces ?

_ Racine !

_ Molière !

_ Corneille !

Et là, Noki, sorte de farfadet de la classe, m'affirme : "Ben non, pas Corneille !"

_ Pourquoi donc, Noki ?

_ Ben vous avez dit que c'était le plus vieux, enfin le plus ancien du siècle.

_ Euh, oui... Et donc ?

_ Il ne pouvait pas écrire en [ver] !

_ Pourquoi ?

_ Il avait pas la bonne encre. La couleur existait pas. Pis y'avait pas de stylo quatre couleurs à son époque !

A sa tête déconfite, à la rougeur de ses joues, j'ai compris que ce n'était pas une blague potache . Il avait compris ma question ainsi : "lesquels ont écrit en vert ?"

Tenez, une question très rimbaldienne : si les auteurs étaient une couleur, laquelle seraient-ils ? Je verrais Racine pourpre, Corneille orange ou moutarde, et Molière... vert citron !

19 janvier 2011

Pitouffler : profiter de la moindre occasion pour éviter de travailler.

Quelques jeux débiles du net, histoire de se vider la tête après trois chapitres de Montaigne, sont bienvenus, quoiqu'on en dise. Il en sera de même pour un week-end de neige, la semaine prochaine, avec Flûtine. Après le diner, je retournerai à mes lectures. Mais aujourd'hui, j'ai encore évité le cours pénible à la fac, pour nettoyer la voiture (en prévision du voyage, et celle-ci n'avait pas vu l'ombre d'un jet d'eau depuis... juin environ) mais aussi et surtout bosser.
Mes cours se déroulent dans un rythme effréné -du moins, c'est l'impression que j'en ai. Je dois tout mettre en place pour mon "retour", début février.

Je découvre des horreurs pendant mes cours d'ECJS, avec ma classe faible, et des élèves qui habitent pour la plupart en cité. Nous sommes au-delà de la caricature journalistique, je vous assure... Il faudra que je raconte tout ça, une fois, avec les bagarres de filles. J'ai trop tendance à occulter où j'enseigne, parfois.

Sinon, le nez dans le guidon, je cherche à accrocher les pédales; pourtant, idée récurrente que je pédale dans le vide. Sans doute est-ce logique avant les épreuves.

coiffeur_playmobil

Ah et puis même si c'est dérisoire, j'ai des petites secondes qui, en se cachant un peu au fond du couloir, m'ont dit hier :

1) "_ Vous êtes allée au coiffeur, m'dame ?
_ CHEZ le coiffeur..
_ Ouais, chez le coiffeur.( Sourire des deux côtés de l'assistance)"

2) "Vous êtes belle, m'dame !"

Alors ça, pour être honnête, ça vous sauve une journée, même si vous n'y croyez qu'à moitié : cette moitié suffit à m'dame.

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