Il existe encore des contes de fée
Hier, j'ai vécu l'un de ces moments qui justifie tout le travail fourni, les coups de blues et les déprimes momentanées, qui dépasse les attentes et surprend, au bon moment.
Après mes cours du matin, une surveillante frappe à la porte et me demande si je suis bien Mme Virgibri. J'acquièsce. Soulagée, elle me dit que quelqu'un me cherche partout, c'est une maman.
Très vite, je réfléchis et me dis qu'il n'est pas possible que j'aie commis un impair en une journée de rentrée, quand même. Et j'aperçois la dame. Je la reconnais : c'est la mère de l'un de mes anciens élèves de seconde (en 2011-2012). Je l'avais rencontrée par deux fois à l'époque où j'avais son fils , et eu au téléphone. Atteinte d'un cancer, elle gérait ses enfants au mieux, car le père était "absent". Son fils, R., avait de mauvais résultats en seconde car son voeu de fin de troisième n'avait pas été respecté : il rêvait de faire un BEP comptabilité, et ses professeurs l'avaient poussé à aller en seconde "car il avait le niveau". Ce genre de logique me donne des boutons, mais je ne m'y attarderai pas.
Il était donc malheureux. Il attendait que l'année passe, sans avoir conscience qu'il fallait nous parler de ce projet, et surtout qu'il ne serait pas prioritaire en fin de seconde pour ce type d'orientation.
Sa mère avait donc bousculé un peu les choses en nous expliquant son projet. Dans l'urgence, nous avions pris contact avec l'établissement privé qu'il visait. Nous avions préparé le dossier, pris contact avec la CPE et j'y avais ajouté une lettre de recommandation pour cet élève calme, sérieux et triste en nos murs. J'avais bien précisé à sa mère que les chances de R. étaient très minces, pour ne pas lui donner de faux espoirs, mais elle y croyait. Elle m'avait fait comprendre à demi mots qu'elle voudrait voir son fils heureux avant de mourir, si elle ne survivait pas à son cancer...
Hier, donc, j'ai appris que le dossier de R. avait été choisi pour passer des tests d'entrée dans cette école. Il était tellement motivé qu'il en était sorti premier, alors que tous ses concurrents étaient des fils à papa... Sa soeur s'était engagée pour payer ses frais de scolarité. Depuis, il est dans les premiers de sa classe, il est heureux et épanoui. Cerise sur le gâteau : il a décroché une bourse au mérite, qui lui paye maintenant sa scolarité.
Sa mère pense que ma lettre de recommandation a joué pour beaucoup, et que j'ai plus ou moins sauvé son fils car je l'ai écouté. Elle m'a tendu une assiette de pâtisseries marocaines pour me remercier. Je n'ai pas pleuré, mais j'ai frissonné à son récit. Quand je le raconte ou l'écris ici, cela produit ce même effet. Je ne sais pas quelle est ma part dans cette réussite, et peu importe : R. est heureux et n'a finalement pas été broyé par le système comme tant d'autres.
Mon année a été illuminée par cette dame.