Puzzle
J'ai laissé mon coeur par la fenêtre, ce matin. Non : j'ai lancé mon coeur par la fenêtre, ce matin. Non plus : mon coeur est resté derrière la fenêtre, ce matin. Oui, c'est mieux. Pas encore tout à fait cela, mais mieux.
Après, il a fallu entamer les oraux blancs de Bac. A huit heures, la première candidate a planché. Mon coeur était toujours à deux kilomètres.
J'ai eu droit très vite à la plus jolie perle de la journée, vers 9h : "Rousseau faisait partie d'un club d'intellectuels sur l'académie de Versailles, qui posait des questions. Il y répondait. Et après, il a eu le prix Nobel".
J'ai repoussé un rire. De toute façon, mon coeur vibrait ailleurs.
Vers 10h, j'ai tenté de rallumer mon portable déchargé (j'avais bêtement oublié le dit portable au fond de mon sac tout le we...). J'ai entendu sa voix, et mon coeur a un peu respiré. J'ai raccroché, il le fallait bien, et remis le coeur à deux kilomètres.
J'ai poursuivi vaillamment les oraux; j'ai déjeuné en me faisant gentiment taquiner par Tinette qui parlait de mon air fatigué et de mon cerveau en yaourt; je suis retournée dans ma salle, frigorifiée. Impossible de me réchauffer depuis des heures. Je savais mon coeur dans le train vers loin.
J'ai repris le fil des études de texte. Rien de brillant ni de fort drôle, mais j'ai assuré ma partie comme il le fallait. Quinze candidats en une journée. Un élève ne s'est pas présenté, j'ai donc fini plus "tôt". J'ai récupéré mes 42 copies de type Bac, qui s'ajoutent à mes six paquets à corriger en moins de dix jours...
Et pourtant, et pourtant, les copies sont loin... de mon coeur.
Rentrée en ayant un peu peur du vide, une page rapidement écrite laissée par terre pour m'accueillir. Mon coeur était là, en petits morceaux, mais heureux.
Oui, heureux.
C'est étrange, un coeur en miettes, et plein.J'ai retrouvé quelques morceaux de mon coeur, ce soir. Non : j'ai soigné mon coeur, ce soir. Non plus : mon coeur a été soigné ce week-end. Pas encore tout à fait ça, mais mieux.