Je ne sais pas si certains scénaristes américains ont lu d'excellents romans en long, en large et en travers, mais la réussite de Damages me laisse perplexe. Rarement j'ai vu série aussi bien menée et allant dans les tréfonds de la psychologie humaine, avec ses revers, sa complexité, sa perversion, son absence de manichéisme... Ce sont les ingrédients que l'on retrouve systématiquement dans des séries mettant en scène des avocats. J'ai fait le constat que c'était ce que j'aimais, finalement : les questions de justice, les joutes verbales, le doute et la conscience... Je pense à The Practice, Ally Mc Beal, Boston Justice, La Loi de Los Angeles (plus ancien), Dirty sexy money et évidemment Damages.
Patty Hewes, interprétée par Glenn Close, est une avocate brillante, cruelle, manipulatrice, dangereuse, fascinante, quasiment toujours sous contrôle. Elle combat des chefs d'entreprise véreux, imbus de leur personne, prêts à tuer, parlant sans détour et vivant sans pitié. Mais vous pouvez aussi tout inverser, et donner aux uns et aux autres les mêmes adjectifs.
La nature humaine est ainsi : elle n'a pas deux faces, le Bien et le Mal. Tout s'interpénètre, se mélange, et amène rarement à de bonnes surprises, souvent à des trahisons ou des déceptions. L'être que l'on croyait bon et qui vous plante un couteau dans le dos joue sur l'effet de surprise. Celui qui est mauvais et veut accomplir quelque chose de bon, n'y parviendra que difficilement : soit on ne lui fera pas confiance, soit ses actions passées reviendront telles un boomerang.
Damages est au coeur de tout cela. On sursaute en découvrant des manipulations abjectes, ou qui est complice avec qui. Mais on se surprend aussi à soupirer de soulagement quand un piège est déjoué. Les répliques sont cinglantes, le jeu des acteurs subtil et délicat : un regard, un sourire, un masque de froideur nous font basculer d'un coup.
J'ai visionné tous les épisodes des deux saisons en deux jours et demi, fascinée. Le système "narratif" est très efficace : il y a soit des flashes-back, soit des "retours en avant" pour tenir en haleine. Dans chaque épisode, ces flashes violents sont prolongés de quelques secondes. A la fin de la saison seulement, on les comprend. Le suspense est donc terriblement délicieux.
Je me suis dit hier soir que Damages, c'est Balzac version trash. Une version modernisée, au coeur de Manhattan, avec des PDG de multinationales. En dehors de cela, les portraits et les intrigues sont aussi fins que dans un roman du XIXème siècle.
Un tel compliment de ma part, ce n'est pas peu dire.