Déballociter : coincer des citations dans une copie, en hésitant.
Fini le suspense pour l'écrit, c'en est fini de cette part du concours.
Ce matin, il pleuvait, il faisait nuit, j'étais seule devant les bâtiments de la maison des examens, cherchant à joindre Flûtine ou Tinette. Sous ma capuche, je me sentais fébrile : c'était cette épreuve-là qui me filait les choquottes.
Je monte les cinq étages. On nous ouvre enfin la salle au bout de quelques minutes. Précision : hier, il y avait un souci informatique, alors nos tables n'étaient pas décorées d'un autocollant à notre nom. Mais aujourd'hui, oui. Je cherche donc où je vais composer. Je sens qu'il y a un hic : je ne suis pas neuneu pour ce genre de devinette, et là, je sèche. Impossible de me trouver.
J'interroge un surveillant en chef, qui me cherche à son tour. "Ah ben oui c'est normal, vous avez été marquée absente, donc vous n'avez pas de table !" Petite panique : pourquoi ai-je été notée absente alors qu'hier j'étais bel et bien là ? Je demanderai par deux fois si cela n'a aucune incidence sur ma copie de didactique ni sur mon relevé de présence. On m'assure que non...
Je suis installée à une table, enfin. Je croise les doigts mentalement pour que Rimbaud ne tombe pas.
C., une agrégative que je connais depuis longtemps, me parle confusément du sujet d'hier. Mais je ne veux rien savoir ! Je veux rester sur ma petite satisfaction de la veille, pas que l'on m'embrouille l'esprit.
Je retourne à ma table. J'aurais dû la prendre en photo, je n'y ai pas pensé : elle était envahie par les copies, brouillons, stylos, lunettes, thermos, encas, mouchoirs... L'heure tourne. On attend le départ top chrono annoncé au micro. Sujets déballés. Sujets distribués retournés. Tension palpable.
On retourne les feuilles. Petit sourire en coin de ma part, encore : c'est Montaigne, le chouchou de Tinette. Voici le sujet, pour les curieux : "Dans
l'ordre de l'analyse et de la saisie par le langage, l'essai est la
formule qui se rapproche le plus de l'inconsistance des chimères, des
divagations de la psyché. A peine Montaigne a-t-il atteint un équilibre
ou esquissé une forme, qu'il les altère pour en chercher d'autres, et
ainsi de suite. C'est la toile de Pénélope: il défait ce qu'il a tissé
et, dans les trous du filet, dans le bougé de l'étoffe, laisse
transparaître les inquiétudes de l'ouvrier, les surprises d'un esprit
aux aguets."
Dans quelle mesure ces remarques formulées par Michel Jeanneret en 1991 éclairent-elles votre lecture du livre I des Essais ?
J'ai mal commencé, puis je me suis organisée sur les conseils de Tinette. J'ai redressé la barre. J'ai rédigé, pour finir dans le doute et la fatigue complète au bout de de 5h30 (au lieu de sept). J'ai rendu mes dix pages.
C'est fait. La première étape est terminée.
J'ai craqué en rentrant, en pleurant un peu. Nouée pendant deux jours, et là, on relâche. Je ne sais pas ce que vaut ma copie. Ce n'est pas la dissertation du siècle, mais je l'ai rendue achevée.
J'ai eu envie de partir dès ce soir pour rejoindre Flûtine mais la raison l'a emporté : il vaut mieux que je me repose ce soir au lieu de prendre la route. Ce soir, repos, bon repas et au lit !