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Prof et plus si affinités
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Prof et plus si affinités
23 juin 2010

Chamboule tout

Voilà, j'ai mes 41 ou 42 merveilleuses copies depuis ce matin. J'ai aussi compté le nombre de candidats que j'allais faire passer à l'oral : 45 en quatre jours. J'ai travaillé cet après-midi sur mes questions d'analyse. Mais j'avais la tête un peu ailleurs...
Explication.
Nous étions convoqués pour 9h au lycée huppé. Coincée dans quelques embouteillages malgré le scooter, j'arrive à 8h55, pénètre d'un pas sûr dans la salle, salue globalement, et cherche une chaise (c'est un peu le jeu des chaises musicales à chacune des réunions dans cette salle exigüe). Je m'installe, et me retrouve une fois de plus à côté de la prof qui m'avait taxé de force mon numéro de téléphone.
Ultra discrète comme à mon habitude, je me fonds dans le bruit et passe inaperçue. La secrétaire nous appelle les uns après les autres, pour nous distribuer nos plannings et les copies. Et là, j'entends un "Madame C.". Tiens, un homonyme de C., celle qui hante mon passé (les fidèles situeront assez bien qui elle est, et  pour les autres, en version light : ancienne prof de lettres de seconde et première, amie, mère spirituelle, cassure, je ne m'en suis jamais remise), me dis-je.
Une femme se lève de table. Ce n'est pas un homonyme, c'est C.. Prise de panique, je sens mon coeur battre plus vite,  mes mains tremblent et des pensées fulgurantes me traversent :

  1. elle est toujours belle
  2. va-t-elle m'ignorer ?
  3. je me sens assez minable intellectuellement parlant
  4. mon Dieu, en fait, je l'aimais; c'est la première femme que j'ai aimée
  5. il n'y a pas de hasard, ce n'est pas possible d'être dans le même jury alors que je suis seule de mon lycée à avoir été convoquée ici
  6. dois-je y voir un signe ?

Je pense que C. fait semblant de ne pas m'avoir vue pendant quasiment toute la réunion, (une feuille trônait devant elle avec mon nom écrit en gros) pour finir sur un "oh bonjour" très anodin parce qu'elle s'adressait à ma voisine et ne pouvait m'ignorer plus longtemps. Ensuite, au moment de partir, très court échange au cours duquel j'étais crispée :

_ Alors, tu enseignes en lycée maintenant ?
_ Euh, oui.
_ Tu es où ?
_ Au LycéeDésiré, à X.
_ Ah... Ce n'est pas trop dur ?
_ (Damned, je passe pour la prof de lycée difficile, alors que C. enseigne dans l'un des plus cotés du coin...) Euh... Je l'ai choisi...
_ Ah oui (acquiescement étrange de sa part, que je ne sais interpréter).
_ ...  la ZEP, tout ça. Disons que c'est assez "sport", mais je m'y plais.
Silence pendant que nous nous apprêtons à partir. Puis elle me lance, faussement (?) souriante : "Alors bon courage !"
Ce à quoi je ne sais que répondre. Je sors, désarçonnée. C. est la seule personne, je crois, avec qui je ne parviens pas à prendre de la distance, à enfiler une armure pour me protéger.
Je me sens comme nue, ou plutôt comme une enfant face à elle.

Donc, ce matin, j'ai passé un cap : je n'ai plus formulé le fait que j'avais dû être amoureuse d'elle, mais je l'ai senti. Un coup de batte de base-ball dans ma conscience, en quelques secondes.
Et alors qu'elle croit que j'ai été la maîtresse de son mari, je ne faisais que la vouloir, elle, à travers lui...
Il m'en aura fallu, des années, pour parvenir à cette prise de conscience. Comme l'évidence est longue à être formulée ! Et comme elle chamboule...

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Commentaires
V
Aucun souci, Kloelle, et cela m'a fait plaisir. :-)<br /> Tu reprends la "parole" quand tu veux.
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K
Quand un écrit touche à l'intime, celui qui commente est toujours un peu mal à l'aise. L'emploi de termes passe-partout permet alors de se tenir à bonne distance...et d'éviter les maladresses (surtout quand on ne connait pas l'auteur).<br /> J'ai hésité à commenter...mais j'avais été particulièrement touchée alors....
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E
tu comprendras pourquoi je suis tombée le cul par terre... Je lui en veux de ne pas avoir oublié cette histoire sordide et si fausse alors que l'amitié réelle et forte qui existait entre vous, elle n'a pas daigné lui redonner vie...<br /> Je suis sûre que ce n'est pas la femme aussi douce et géniale que tu dis qu'elle est.<br /> Bon c'est la colère qui parle, tu m'excuseras...
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V
C'est drôle, je n'aurais jamais appelé cela "un texte", Kloelle. ;-)<br /> Mais merci du compliment...
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K
C'est un texte très beau, très fort, très vrai.<br /> Merci pour cette lecture.
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