Mots et muesli
Berthe Morisot, La Lecture
Ce soir, là tout de suite au moment où j'écris, j'aurais dû aller me racheter des céréales et poster un paquet et une lettre. Mais le froid qui tenaille m'a retenue, et j'ai préparé mes courriers moi-même avec de jolis timbres. Je les déposerai demain dans la boîte jaune énorme, pas loin du lycée.
Et puis je finirai les miettes de muesli au petit-déj, ça suffira.
Sinon, aujourd'hui, j'ai pu finir de corriger le satané paquet de copies de type Bac en ES car mes STG m'ont entourloupée, je crois. Explication : j'ai fini plus tôt car j'ai déplacé deux heures de cours au dernier moment pour arranger l'un des deux groupes. Prévenue à 13h (alors que je les avais à 14h...), je leur ai proposé un seul créneau horaire : rattraper les cours mardi matin, de 8h à 10h. Ils m'ont juré leurs grands dieux qu'ils seraient là, alors que cela leur fera trois heures d'affilée de français pour certains... Si j'ai des absents, ils seront collés, et je ne ferai plus aucun effort de ce genre. Ils sont prévenus à l'avance.
Ceci étant, je suis rentrée vers 15h, et j'ai donc corrigé les onze copies de commentaires composés restantes. Le bilan n'est pas si mal en ES : ils progressent globalement, et appliquent mes conseils. Ouf !
Mes secondes m'ont beaucoup agacée ce matin car j'attends d'eux de la participation (mes cours actuels ne peuvent s'en passer), et je suis face à des adolescents aussi réactifs que des poissons morts sur un étal. Est-ce moi qui suis moins patiente en ce moment ? Ou alors cette léthargie me pèse de plus en plus. Ou bien ils sont tout bonnement plus pénibles...
Quant aux STG, ils sont largués et face à leur manque d'armes pour lutter, ils optent pour l'insolence, la forfanterie, la bêtise grasse, tout cela au choix. L'un d'eux m'a dit, parce que je le remettais en place (il essaye la carte du sourire enjôleur avec les adultes femmes, pensant naïvement que nous pourrions être sensibles à ses charmes) que je ne suis pas drôle. "Ah mais mon cher, je ne suis pas Bozo le clown ! Vous n'avez toujours pas compris que je ne suis pas là pour faire rire. Je suis votre prof de français qui vous amène au Bac, pas Bozo !" Voilà le type d'échange dans lequel je suis obligée de tomber, au milieu d'une explication d'un extrait de Beaumarchais...
Mon impuissance -et celle de la littérature, celle des mots- face à eux, face à leurs difficultés; mon impossibilité à les atteindre, mon inutilité -oui, c'est cela, c'est ce mot autour duquel je tournais depuis si longtemps- me dévastent parfois, me minent beaucoup, m'inoculent quelque déprime souvent, me découragent de temps à autre...
Ah,et puis cela n'a rien à voir -quoique-, mais je me fais bêtement un complexe d'infériorité face à mes copines agrégées. Je me sens terriblement en-deçà de leur niveau. Je ne lis plus trop, et même mes Télérama me terrifient : ils s'accumulent depuis des semaines, toujours enfermés dans leur enveloppe de plastique fin... Et pourtant, j'ai mille envies de lecture. Je ne sais pas m'expliquer ce phénomène.