Sexytude zéro
Ce matin, je me suis réveillée les cheveux dans les yeux, les bras repliés sur l'oreiller, avec Clochette endormie près de ma tête, retenant de ses pattes douces mon poignet. C'était bon d'émerger ainsi, alors que les rêves de la nuit avaient été perturbants (sans faire de psychanalyse de bazar, ils expriment tout bonnement mes inquiétudes sur mon physique, ma capacité à plaire, mes égarement sentimentaux...).
Cloch a poursuivi le câlin en se glissant sous la couette, contre moi. Son ronronnement résonnait délicatement jusqu'à mon oreiller. Le noiraud nous a rejointes, en s'installant sur mon flanc.
Je me suis levée au bout d'un certain temps, en évitant de penser à toutes les corvées que j'ai à faire.
Mon hésitation du jour porte sur mes activités : copies, achat de sapin, courses Karouf, parapharmacie, cours ?
Je commence aussi à angoisser sur cette maudite période de fêtes. Ne vous méprenez pas : j'adore Noyel, les décorations, les lumières, tout ça. Mais je n'ai rien à fêter. Ma mère vit avec un homme que je n'apprécie guère, et avec qui je n'ai jamais voulu passer Noyel. Pourtant, je n'ai plus qu'elle comme famille.
C'est sans doute ce qui me noue : ne plus pouvoir me reposer sur quelqu'un d'autre en ces moments-là. Et me dire que le jour où je perdrai ma mère, je serai seule. Complètement seule.
Je ne prends guère soin de moi depuis quelque temps. J'entends par là que je me néglige pas, mais que je n'ai pas l'impression non plus de me mettre en valeur. D'habitude, je rends mes pieds tout doux, j'utilise des soins pour mes cheveux, je mets même parfois du lait à la figue pour le corps, je me passe de la crème pour les mains le soir... Je n'en ai pas envie. Je me dis sans doute que je n'ai à plaire à personne, ou que je ne plairais à personne. Comme nous disions avec Sandy à une époque, ma "sexytude" est à plat. Zéro pointé.
Cependant, et c'est contradictoire, j'en ai conscience, je ne me pose guère la question au lycée. Je reconnais sentir parfois des bourrelets disgrâcieux; je tire sur mes pulls pour qu'ils en montrent le moins possible, mais je doute que mes élèves sentent cette gêne. J'ai l'air très à l'aise avec mon corps. J'ose les couleurs, parfois une jupe ou une robe, je porte quelques bijoux, et de temps à autre je fais claquer mes talons sur l'estrade.
Dessin de Renoir
Alors quoi ?
Alors je me disais récemment que si l'un d'eux me posait une question du genre "Vous êtes mariée, m'dame ?", je serais bien embêtée de passer pour la vieille fille de service. Avant, je pouvais entretenir le suspense (si je décidais de répondre) avec un "Non, je suis pacsée". Cela résolvait pas mal de choses.
Aujourd'hui, je ne suis qu'une femme de 34 ans, vivant avec ses deux chats, joignant les deux bouts de façon hasardeuse, recevant l'aide financière de sa mère régulièrement, et angoissant pour les fêtes...